Dans le monde

Espagne : L'énergie électrique malade du profit

Le gouvernement espagnol de Rajoy vient de prendre un décret destiné, dit-il, à limiter la prochaine augmentation des tarifs de l'électricité qui aurait dû atteindre les 11 % pour les particuliers. Il avait mis sur pied, en juillet 2013, une réforme du secteur énergétique qui laissait prévoir de fortes hausses de tarifs ; il dit aujourd'hui vouloir que les hausses pour les usagers des classes populaires restent dans des limites tolérables.

D'après ce décret, l'augmentation ne devrait donc pas dépasser les 2,3 % au premier trimestre 2014. Dans cette période d'austérité, cette charge supplémentaire sera pourtant encore trop lourde dans l'immédiat pour bien des familles. Et les difficultés seront plus importantes encore à l'avenir.

La décision du gouvernement n'a pas manqué de soulever un tollé dans les milieux des industriels et des financiers qui dominent le secteur de l'énergie. Ils voudraient continuer à augmenter les profits de la production et de la commercialisation de l'énergie. Dans les semaines qui viennent, ils sont invités par le gouvernement à préparer une réforme des tarifs dont tout laisse à penser qu'elle se traduira par une note plus lourde pour la population.

Il n'y a aucune raison pour que les consommateurs paient aussi cher l'électricité. L'unique explication est que la production et la distribution de l'énergie électrique sont aux mains d'un petit groupe d'entreprises et de groupes financiers qui dominent le secteur et ne connaissent d'autres lois que celle de tirer un profit maximum des sources d'énergie et de leur distribution. La façon dont ces entreprises se disputent les parts de marché par un jeu de mises aux enchères totalement opaque est à l'origine d'un gaspillage sans nom. Et lorsqu'elles se concertent, c'est pour faire monter les prix et récupérer rapidement des profits qu'elles investissent dans des circuits spéculatifs. Des circuits eux-mêmes dominés par les grands de l'énergie et de la finance mondiale, parmi lesquels figurent Goldman Sachs, Deutsche Bank, Morgan Stanley entre autres, qui agissent dans les milieux politiques espagnols intimement liés aux conseils d'administration des compagnies électriques.

Entre 1997 et 2008, à l'époque du boom économique en Espagne, les capitalistes qui avaient investi dans le secteur énergétique ont accumulé des profits fantastiques. Mais, depuis cinq ans, les affaires régressent et les profits actuels ne suffisent plus aux grands du secteur. C'est donc aux classes populaires qu'on demande de payer plus cher pour le gaz et le charbon, pour la production éolienne, pour compenser le ralentissement de l'activité économique.

Face au mécontentement populaire que suscitent ces hausses de tarifs, le gouvernement de Rajoy fait aujourd'hui mine de tenir compte des difficultés de la population, en différant les exigences des grandes sociétés de l'énergie et de leurs bailleurs de fonds. Mais il se contente de reculer les échéances car une nouvelle réforme est en discussion qui devrait aboutir à un nouveau programme d'augmentation des tarifs pour le second trimestre. Les classes populaires n'ont plus qu'à se préparer à imposer leur droit à se chauffer et à s'éclairer comme il convient au 21e siècle.

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