Dans le monde

Allemagne : Après les élections législatives

Depuis l'annonce des résultats électoraux, les commentateurs évoquent le triomphe d'Angela Merkel, élue chancelière pour la troisième fois. Il est vrai qu'entre les précédentes législatives en 2009 et aujourd'hui, son parti, la CDU-CSU, a progressé de près de 8 %, passant de 33,8 % à 41,5 %. Mais ses alliés privilégiés au pouvoir, les libéraux du FDP, bien ancrés à droite, ont eux perdu sur la même période (quatre ans) presque 10 % de voix. Passé sous la barre des 5 %, pour la première fois de l'histoire du pays, le FDP n'aura aucun député et ne pourra donc plus gouverner avec la CDU.

À droite encore, le nouveau parti des opposants à l'euro (AFD), ne passe pas non plus la barre des 5 %, tandis qu'à l'extrême droite le NPD recueille 1,3 % en moyenne.

La CDU commence les pourparlers pour voir avec qui elle va gouverner, ce qui n'est pas si évident, car les chefs du SPD ne se précipitent plus pour être mouillés dans une politique antiouvrière, pour se déconsidérer encore tout en ne jouant que les deuxièmes rôles. Et puis, si le parti de Merkel a gagné les élections de dimanche dernier et celles pour le Parlement (Landtag) de Bavière une semaine plus tôt, dans pratiquement toutes les autres élections régionales il a au contraire subi défaite sur défaite, et c'est le SPD qui gouverne aujourd'hui la grande majorité des régions. Le succès électoral de dimanche dernier aux législatives apparaît donc comme celui d'une personne, Angela Merkel, plus que de son parti.

Ces dernières années, la précarité s'est répandue comme une traînée de poudre, un quart des salariés sont considérés comme pauvres, tandis que près de huit millions de travailleurs gagnent moins de 8,5 euros de l'heure. Eh bien, malgré tout cela, même dans les milieux populaires, certains ont l'impression, fortement relayée par les médias, que le pire est épargné aux Allemands, si on compare avec les pays voisins.

Quant au SPD, il n'apparaît même pas vraiment comme une opposition à la CDU. Les deux partis, CDU à droite et SPD à gauche, gouvernaient ensemble dans une grande coalition lorsqu'ils ont reculé l'âge de la retraite à 67 ans. Pendant la campagne, les deux se sont réclamés en permanence de l'héritage du chancelier SPD Schröder et de ses lois antiouvrières. Le candidat du SPD, Peer Steinbrück, connaît bien Merkel : il fut entre 2005 et 2009 son ministre des Finances. Du reste, le SPD aurait difficilement pu choisir un candidat plus proche des patrons que Steinbrück, lui qui a continué jusqu'en décembre 2012 à s'adonner à son passe-temps favori : des conférences grassement rémunérées dans les milieux d'affaires.

Ces derniers mois, il s'est efforcé de donner un cours plus social à sa campagne, évoquant sans les chiffrer d'éventuelles augmentations d'impôts pour les plus riches. Il a promis de créer un salaire minimum généralisé à toute l'Allemagne et à toutes les branches. Courageux, le SPD a fixé le montant de ce smic à 8,50 euros brut de l'heure, c'est-à-dire un salaire de misère, en dessous de pratiquement tous les smic introduits ces dernières années dans diverses branches. Évidemment, cette promesse a tout de même généré de l'espoir parmi les millions de salariés qui gagnent moins que cela.

Et puis, par anticommunisme et pour ne pas s'aliéner certains électeurs, Steinbrück et le SPD ont dit et répété qu'il était hors de question de gouverner avec les dangereux « rouges » de Die Linke (l'équivalent du Front de Gauche). Le soir même des résultats, lorsqu'il fut visible que les trois partis considérés comme à gauche, à savoir SPD (26,5 % des voix), Verts (8 %) et Die Linke (8,5 %), emportaient la majorité en voix et en sièges face à la CDU-CSU, et pouvaient former une coalition contre Merkel, les ténors du SPD ont eu comme première urgence d'exclure fermement l'éventualité de gouverner avec les prétendus « antidémocrates » de Die Linke.

Quant à Die Linke justement, elle a réuni 8,5 % des voix, en recul par rapport à 2009 (12 %). Elle, dont le programme fait pousser les hauts cris aux autres partis, a mis en avant des revendications qui sont en réalité dérisoires face à ce qu'il faudrait. Par exemple, face au smic à 8,5 euros du SPD, Die Linke dit mieux : ce sera 10 euros de l'heure. Elle réclame d'imposer plus les très hauts revenus (y compris un impôt sur la fortune), de revenir sur la retraite à 67 ans, de mettre fin aux lois Hartz IV – mais pour les remplacer par des minima sociaux à hauteur de... 500 euros mensuels ! C'est cela que le SPD fait mine de trouver trop radical.

Quelle que soit la future coalition gouvernementale, il ne fait aucun doute que les attaques vont pleuvoir sur les classes populaires. Et, pour réagir à ces attaques, il est vital qu'émerge dans la classe ouvrière un courant, même minoritaire, qui exprime et fasse entendre le point de vue et les intérêts des travailleurs.

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