Calais, une ville ruinée par les capitalistes18/07/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/07/une2346.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Calais, une ville ruinée par les capitalistes

Calais a affiché récemment un chiffre record : un taux de chômage de 18 %. Même avant la crise de 2008, les suppressions massives d'emplois dans l'industrie de la dentelle ont commencé à ruiner cette ville ouvrière. Les patrons dentelliers n'ont pas perdu leurs capitaux, ils ont seulement décidé de les retirer pour aller les investir dans des secteurs estimés plus rentables, ou pour développer leur activité en Asie du Sud-Est en y surexploitant une main-d'oeuvre meilleur marché, et ils ont continué à accumuler des fortunes.

Dans les entreprises de dentelle qui restent, les directions, suivies par les politiciens et bien des responsables syndicaux, masquent cette réalité économique derrière des discours nationalistes défendant la tradition calaisienne et accusant la concurrence asiatique.

L'usine Desseilles, après le dépôt de bilan de 2011, a été reprise par trois de ses anciens cadres. Mais elle est actuellement menacée de faillite mettant en jeu le sort de ses 83 salariés. C'est aux anciens propriétaires qu'il faudrait demander des comptes, car l'entreprise est passée successivement entre les mains de grands groupes, l'américain Sara Lee, puis le néerlandais Fenway, avant de devenir propriété du letton Lauma : tous, pendant des années, ont engrangé des profits sur le dos des ouvriers calaisiens.

Quant à l'usine Noyon, qui a échappé à la liquidation judiciaire en 2010, son PDG se vante d'avoir redressé la situation... suite aux licenciements. Il se pose en chef de file d'une société familiale qui se bat avec les ouvriers « pour garder les emplois », mais reste silencieux sur les bénéfices du groupe Noyon Lanka. En partenariat avec le holding MAS, il profite de la pauvreté du Sri Lanka en imposant aux travailleurs des semaines de 60 heures pour un salaire de quelques dizaines d'euros mensuels !

Tous les secteurs sont touchés

L'anxiété face au chômage s'est aggravée et dans tous les secteurs, métallurgie, chimie, port et transport, les menaces sur l'emploi continuent à se multiplier. Les ouvriers ont de quoi être méfiants.

C'est le cas chez Schaeffler, qui fabrique des chaînes de transmission automobile : après des vagues de licenciements, la direction a réembauché des intérimaires, puis elle a brandi la menace de la délocalisation. Maintenant, elle affirme que tout va bien, mais pas grand monde ne croit que c'est une garantie.

L'entreprise Alcatel, qui a aussi licencié massivement dans le passé, invoque la nécessité d'être plus compétitive face aux concurrents et prévoit un plan de réorganisation : cela apparaît comme le prélude à un plan de suppression d'emplois.

D'autres entreprises encore sont en redressement judiciaire, comme Calaire Chimie qui emploie 197 salariés. Pour la Société de manutention du port, cela se termine par une liquidation et 35 suppressions d'emplois de dockers.

Des groupes capitalistes riches à milliards

Les dirigeants des entreprises justifient leurs mauvais coups par la concurrence internationale. Mais, pas plus que dans la dentelle, ce ne sont pas de petits patrons acculés à la faillite. Ils dirigent des filiales de groupes capitalistes internationaux riches à milliards. Schaeffler est la propriété de Maria-Élisabeth Schaeffler, à la tête d'un groupe mondial exploitant 74 000 salariés dans 51 pays sur 186 sites, dont la dernière offensive financière a consisté à avaler le groupe Continental. Alcatel appartient au groupe franco-américain Alcatel-Lucent, un géant des télécommunications qui a réalisé plus d'un milliard de profits en 2011. La Société de manutention du port de Calais est une agence calaisienne de Léon-Vincent, lui-même filiale du belge Sea Invest spécialisé dans la manutention portuaire, qui en France engendre quelques 660 millions d'euros de chiffre d'affaires. Et même l'entreprise La Calaisienne, qui fabrique des uniformes pour diverses armées du monde, est une filiale du groupe Marck, présent sur sept sites en France et dans le monde.

Quand ces dirigeants suppriment des emplois, ce n'est pas qu'ils sont en difficultés, c'est qu'ils choisissent de faire encore plus de profits en réorientant leurs investissements.

Le consortium ICIG, propriétaire actuel de Calaire, est une holding internationale avec 17 usines dans le monde, un chiffre d'affaires de 700 millions d'euros.

Arrosés par l'argent public

Ces géants industriels sont responsables du sinistre des emplois dans le Calaisis. Mais ce n'est pas leur seule nuisance : ils vampirisent aussi les budgets publics en exerçant un chantage permanent. Ils prétendent avoir besoin de subventions pour maintenir ou développer leurs activités... et ils les obtiennent ! Schaeffler a touché près d'un million d'euros rien que pour déménager l'usine du centre-ville vers la périphérie. Le centre d'appel Armatis, une multinationale, vient de se voir octroyer 700 000 euros pour agrandir son site calaisien. C'est autant d'argent qui n'est pas affecté aux services publics et autant d'impôts supplémentaires qui retombent sur les classes populaires.

Face à ces rapaces, la solution pour les travailleurs ne peut venir de tous les politiciens qui prétendent aider les capitalistes à trouver des « solutions industrielles ». La seule voie, c'est que le monde du travail entre en lutte de manière déterminée avec ses propres armes, celle des grèves et des manifestations, pour l'emploi et les salaires, en prenant sur les profits patronaux.

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