Affaire Tapie – Crédit lyonnais : La convocation de Lagarde29/05/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/05/une2339.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Affaire Tapie – Crédit lyonnais : La convocation de Lagarde

Convoquée les 23 et 24 mai par les juges de la Cour de justice de la République, la directrice du FMI et ex-ministre des Finances de Sarkozy Christine Lagarde est ressortie de ces entretiens marathon comme « témoin assisté », un moyen terme entre la mise en examen et le simple témoin.

Lagarde a dû s'expliquer sur son choix de faire appel à un arbitrage privé pour régler le contentieux opposant Bernard Tapie au Crédit lyonnais dans la revente de sa société Adidas en 1992.

Tapie s'était estimé grugé par le Crédit lyonnais, qui avait effectué la vente, très en dessous du prix, à des sociétés offshore appartenant à la banque, qui avaient ensuite revendu Adidas avec une importante plus-value. Tapie exigeait un dédommagement sur ce manque à gagner. Un tribunal lui avait donné raison. Mais, faute de trouver un compromis, le règlement a ensuite traîné jusqu'aux années 2000.

Christine Lagarde justifie son choix d'un arbitrage privé comme un moyen de parvenir à un règlement rapide et peu onéreux. En fait, en 2008, cet arbitrage a accordé 241 millions d'euros à Tapie, assortis d'un supplément non imposable de 45 millions d'euros au titre du « préjudice moral ». L'affaire ayant traîné, des intérêts se sont ajoutés, qui ont fait grimper le total à 403 millions... payés par l'État. Car, entre-temps, le Crédit lyonnais avait été privatisé et n'avait donc rien à débourser. La ministre n'a pas fait appel de cette décision, officiellement pour ne pas risquer un arbitrage plus coûteux.

L'affaire a évidemment une dimension politique, puisque le règlement du litige coïncidait avec le ralliement de Tapie à Sarkozy. La solution adoptée favorable à Tapie semblait être le prix du ralliement. Entre 2007 et 2010, Sarkozy et Tapie se sont rencontrés dix-huit fois, officiellement pour parler politique, mais peut-être aussi pour finaliser cet arrangement, un point qu'aucun des deux n'a envie d'élucider.

Le statut de témoin assisté pourrait signifier que, pour le moment, les juges n'ont pas d'éléments suffisants contre l'ex-ministre. Mais par ailleurs, du côté de l'Élysée, on préférerait que Lagarde conserve son poste au FMI, en l'incitant à se montrer indulgente avec la France et ses problèmes financiers. Après l'affaire DSK, une affaire Lagarde à la tête du FMI risquerait de ne pas améliorer les relations avec celui-ci. Mieux vaudrait donc ne pas en rajouter.

L'audition de Christine Lagarde a entraîné deux mises en garde à vue. L'une concerne l'avocat de Tapie, relâché au bout de quelques heures sans être convoqué chez le juge, et l'autre un des trois arbitres du tribunal arbitral privé, Pierre Estoup, un magistrat de 86 ans.

Dans sa dernière édition, Le Canard enchaîné a annoncé que le gouvernement pourrait se porter partie civile dans cette affaire, ce qui reste à confirmer. Enfin, l'ancien PDG du Crédit lyonnais entre 1993 et 2003, Jean Peyrelevade, vient de qualifier cet arbitrage d'« illégal » et de « vaste manipulation » en faveur de Tapie. Pour lui, il est impossible qu'une décision aussi désastreuse pour les finances publiques ait pu être prise sans « instructions venant d'au-dessus, c'est-à-dire de Nicolas Sarkozy ».

L'affaire est donc loin d'être close et on pourra continuer à s'interroger où, dans tout cela, se Tapie la justice !

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