Bangladesh : Pour les patrons, le travail ne coûte pas cher, la vie humaine non plus16/05/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/05/une2337.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Bangladesh : Pour les patrons, le travail ne coûte pas cher, la vie humaine non plus

Le nombre de travailleurs morts dans l'effondrement le 24 avril de l'immeuble hébergeant cinq ateliers de confection près de Dacca, au Bangladesh, dépasse maintenant le millier, et chaque jour des dizaines de nouvelles victimes sont retirées des décombres. 1 700 autres sont toujours hospitalisées, beaucoup ont dû être amputées d'un ou plusieurs membres, et une centaine sont entre la vie et la mort.

C'est la pire catastrophe industrielle depuis Bhopal et, comme à Bhopal, on ne peut parler d'accident dû à la fatalité. Il s'agit d'un crime, un crime perpétré de sang-froid contre des travailleurs au nom du profit capitaliste.

Criminel est le propriétaire du Plaza Rana, qui a fait construire un immeuble de cinq étages avec des matériaux bas de gamme, avant de le surélever illégalement de trois étages. Criminels sont les patrons des cinq usines de confection qui, sous peine de renvoi, ont obligé leurs ouvriers à venir travailler alors que des fissures inquiétantes étaient apparues.

Criminels sont tous ces patrons bangladais du textile, qui s'enrichissent d'autant plus qu'ils mettent la vie de leurs ouvriers en péril. Ils entassent dans des locaux qu'ils savent être dangereux un nombre de travailleurs supérieur à celui déclaré, dans des conditions de travail indignes et pour des salaires de survie.

Criminelles sont les autorités bangladaises qui ferment les yeux sur ces pratiques, quand elles n'en sont pas complices, car elles sont corrompues jusqu'à la moelle, et nombre de députés ou de proches du pouvoir sont en même temps propriétaires d'usines. Le gouvernement a fait fermer dix-huit usines considérées comme dangereuses... sur un total de 4 500, alors que chacun sait qu'elles ont été construites à la va-vite avec des matériaux bas de gamme ne répondant notamment pas aux normes de sécurité anti-incendie, pour répondre à la demande de main-d'oeuvre à bon marché des donneurs d'ordres occidentaux. La justification des autorités est de dire que les usines textiles font vivre plus de quatre millions de travailleurs, si l'on peut parler de vivre quand on gagne 30 euros par mois et que l'on risque d'y laisser sa peau.

Criminelles surtout sont les grandes enseignes occidentales qui, après la Chine, se sont tournées vers le Bangladesh pour faire fabriquer leurs vêtements, parce que la main-d'oeuvre y était encore moins chère. Elles savent parfaitement pourquoi il en est ainsi : l'exploitation est féroce dans ces ateliers-prisons, bâtiments édifiés au moindre coût, qui peuvent à tout moment se transformer en cercueils pour des travailleurs qui, pour tenter de survivre, n'ont d'autre choix que de se faire embaucher là. Les enseignes se contentent alors de faire connaître leur réprobation morale, qui ne leur coûte pas un centime, font dire qu'elles ont commandé un audit et se frottent les mains de voir s'agrandir leurs marges bénéficiaires, fût-ce aux dépens de la vie des travailleurs bangladais.

Partager