Russie : 13 ans de Poutine -- des dizaines de prisonniers politiques08/05/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/05/une2336.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie : 13 ans de Poutine -- des dizaines de prisonniers politiques

Les 5 et 6 mai en Russie, des manifestations de protestation ont célébré à leur façon l'anniversaire du retour de Poutine au Kremlin pour un troisième mandat présidentiel, alors que depuis 2000 il se trouve, en titre ou de fait, à exercer le pouvoir suprême.

Le 6 mai 2012, à la veille de sa prise de fonction, une vingtaine de milliers de personnes avaient défilé place Bolotnaïa à Moscou, dénonçant la corruption du régime et la fraude qui avait assuré l'élection de Poutine et des députés de son parti. Matraquant à tout-va, la police avait arrêté 400 manifestants.

Depuis, le parquet en a mis en examen une trentaine -- la plupart en prison, certains en fuite -- pour « participation à des désordres de masse ». D'autres sont poursuivis sous divers chefs d'inculpation. Il y a déjà eu deux condamnations : à deux ans et demi et à quatre ans et demi de prison. Les inculpés non encore jugés risquent jusqu'à dix ans de camp.

Harcèlement de militants ouvriers

Cette année, le 6 mai 2013, des manifestations ont eu lieu en solidarité avec ces prisonniers politiques. « Liberté pour les détenus du 6 mai », scandaient des milliers de personnes à Moscou. « Le dossier judiciaire du 6 mai est une farce », proclamaient des militants d'extrême gauche à Saint-Pétersbourg face au croiseur Aurore, devant la forteresse Pierre-et-Paul où Trotsky fut emprisonné en 1917, ou devant les Kresty, autre prison célèbre de la ville.

Quelques jours plus tôt, des « echniki », des policiers du Comité de lutte contre l'extrémisme, sous le couvert duquel le Kremlin mène la chasse à la contestation, avaient arrêté des syndicalistes devant l'usine Volkswagen de Kalouga, non loin de Moscou. Ces militants d'extrême gauche appelaient les ouvriers à manifester pour le Premier Mai alors que, selon ces policiers, les autorités ne l'avaient pas autorisé. Toujours à Kalouga, il y a juste un an, à l'occasion d'une grève victorieuse à l'usine Benteler, les « echniki » avaient fait une descente au local du syndicat MPRA (automobile), retenu et tenté d'intimider plusieurs militants en les menaçant de diverses manières.

De tels cas d'intimidation de militants ouvriers ne sont pas rares, bien que les médias, qui là-bas comme ici ne se préoccupent guère de ce qui se passe dans la classe ouvrière, n'en fassent pas état.

Le régime reste prudent

Si la petite bourgeoisie, qui avait donné le « la » aux manifestations de 2011-2012, s'est démobilisée, Poutine sait que les travailleurs, qui avaient alors peu manifesté, pourraient maintenant se rappeler au bon souvenir du pouvoir. Comme en 2008-2009 avec les contrecoups de la crise, et pour les mêmes raisons.

Depuis des mois, la situation économique de la Russie ne cesse de se dégrader. Poutine a parlé à ce propos fin avril de « signaux alarmants » dans une émission face au public. Il a alors dit en substance que, si les « réformes » économiques ne vont pas aussi vite que certains le souhaiteraient, c'est qu'il avance prudemment, qu'en Russie il y a beaucoup de gens pauvres qui ne le supporteraient pas... Mais lui se préoccupe du sort des humbles, dit-il à qui veut bien le croire. La preuve ? Pour le Premier Mai, Poutine a ressorti une pratique disparue : il a décerné cinq médailles de Héros du travail, une décoration instaurée par Staline !

Lui qui vient d'affirmer sans rire à la télévision allemande : « Il est évident que nous avons définitivement opté pour la démocratie », a vanté ce 1er mai un « retour à la continuité des traditions ». Entre stalinisme, tsarisme et répression actuelle de toute forme de contestation, la bureaucratie russe et son chef ont les traditions « démocratiques » qu'ils méritent.

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