Leur société

Paradis fiscaux : Des capitaux à la recherche de l'ombre et du secret

L'affaire Cahuzac vient rappeler que, malgré les rodomontades des gouvernements successifs déclarant la guerre aux paradis fiscaux, ceux-ci existent toujours.

De la Suisse à Singapour en passant par les îles Vierges britanniques, ou par Monaco, des sommes d'argent qui dépassent l'entendement voyagent en tous sens à la recherche d'une fiscalité favorable. L'important pour les détenteurs de cet argent, ou pour les entreprises qui se livrent à de tels transferts c'est que les avantages fiscaux soient assortis d'un maximum d'opacité. Ainsi, les banques de gestion de patrimoine mettent en avant la « confidentialité » qui va de pair avec « l'optimisation fiscale » comme service rendu à leurs clients.

Suivant qu'il s'agit de centaines de milliers, de millions ou de dizaines de millions d'euros, les techniques pour camoufler l'identité réelle du bénéficiaire vont d'un simple compte numéroté à des procédures plus sophistiquées. Dans tous les cas, le but est d'assurer le secret bancaire. Ainsi, près de 70 entreprises suisses, dont une vingtaine de banques et de nombreux intermédiaires financiers, ont créé des milliers de sociétés dans des paradis fiscaux pour cacher les avoirs de leurs clients étrangers. Cette pratique est développée également par les banques françaises, Crédit agricole et BNP en tête. Pour cette dernière, 56 montages de sociétés ont pu être reconstitués à partir de multiples filiales à Jersey, en Asie et dans différentes îles du Pacifique.

En plus des individus qui, comme Cahuzac, ont quelques centaines de milliers ou millions d'euros à placer, les utilisateurs des paradis fiscaux sont les entreprises, les sociétés financières, les fonds d'investissement. Des sociétés comme Renault ou Total ont des facilités pour minimiser leurs impôts en faisant jouer des transferts entre filiales. Au total, les sociétés américaines détiendraient 1 700 milliards de dollars dans leurs filiales étrangères, le plus souvent pour éviter de payer des impôts sur ces sommes.

Pour la France, il est question de quelque 600 milliards d'euros placés dans les paradis fiscaux, avec comme conséquence que plus d'un tiers de l'impôt potentiel n'est pas perçu, soit entre trente et soixante milliards d'euros par an. Mais les spécialistes ont du mal à s'y retrouver, au point qu'à l'échelle du monde les estimations de ces placements offshore varient entre 6 000 et 26 000 milliards d'euros. Les chiffres attestent de la taille monstrueuse de ces capitaux flottants, et la fourchette entre ces deux chiffres confirme à quel point le secret bancaire est, au-delà de quelques révélations, bien gardé.

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