Dans le monde

Il y a dix ans, mars 2003-mars 2013 : Guerre et occupation en Irak – un pays détruit

Il y a dix ans, le 20 mars 2003, l'impérialisme américain déclenchait sur Bagdad les premiers bombardements d'une opération baptisée avec cynisme « liberté pour l'Irak ». Le soir même, les armées américaines et britanniques franchissaient la frontière à partir du Koweït. Ainsi commençait une guerre qui devait prétendument apporter la liberté et la démocratie au peuple irakien, mais qui n'allait que l'enfoncer dans la misère et le chaos.

L'Irak avait déjà subi une première guerre en 1991, menée par une coalition dirigée par les États-Unis et incluant la France, suivie de dix années de bombardements périodiques et d'un embargo qui aurait causé la mort d'un demi-million d'enfants. Le prétexte était de défendre la démocratie contre la dictature de Saddam Hussein, ce « nouvel Hitler », martelait-on alors. Mais, dictateur, Saddam Hussein l'avait toujours été, et cela n'avait pas empêché les dirigeants impérialistes, américains comme français, d'en faire pendant des années l'un de leurs principaux appuis dans la région. Non seulement les trusts avaient fait des profits colossaux en vendant des armes à Saddam Hussein, mais l'impérialisme s'était servi de lui pour affaiblir le régime iranien au prix de huit années d'une guerre sanglante entre les deux pays, entre 1980 et 1988.

En fait, Saddam Hussein avait surtout eu le tort d'envahir le Koweït à partir de 1990, et d'avoir ainsi montré aux dirigeants impérialistes qu'il pouvait aussi les braver. Après l'offensive des armées impérialistes au début de 1991, Saddam Hussein dut évacuer le Koweït, mais fut malgré tout laissé au pouvoir, car il s'avérait être le seul capable de mater les populations chiites au sud et kurdes au nord qui s'étaient soulevées contre lui.

Mais l'impérialisme américain voulait régler définitivement le problème irakien et avoir le contrôle total sur cette région riche en pétrole.

Les attentats du 11 septembre 2001 permirent au nouveau président américain George Walker Bush de convaincre l'opinion du bien-fondé d'une intervention militaire, d'abord en Afghanistan puis en Irak. L'Irak fut accusé d'abriter des armes de destruction massive et ce fut le prétexte pour déclencher une nouvelle guerre.

Le début de dix ans de guerre

Un mois après le début de l'offensive en avril 2003, le régime de Saddam Hussein était renversé. En mai, le président américain proclamait la fin des opérations de combat en Irak. Mais c'était le début d'une occupation, entérinée aussitôt par l'ONU, et en fait d'une guerre qui allait encore durer huit autres années. Les troupes anglo-américaines devinrent une « force multinationale », occupant l'Irak à la demande d'un gouvernement irakien intérimaire qu'elles venaient elles-mêmes d'installer.

L'occupation américaine ne réussit jamais à s'imposer vraiment. Mi-juin 2003, l'armée américaine dut lancer une opération appelée « Scorpion du désert » contre les forces fidèles au régime déchu, au nord et nord-ouest du pays. Quelques jours plus tard, face à l'insécurité croissante, ce fut la nouvelle opération « Crotale du désert » contre l'ancien bastion de Saddam Hussein, au nord de Bagdad. Durant les mois qui suivirent, la force multinationale, aidée par une « sécurité irakienne » mise en place par les USA, lançait une opération, cette fois contre les milices chiites du dirigeant intégriste chiite Moqtada El Sadr dans plusieurs villes, en particulier la capitale Bagdad.

Après la chute du régime de Saddam Hussein, les dirigeants américains ne disposaient plus d'un appareil d'État capable de stabiliser la situation afin de garantir la reprise des affaires, les piliers du régime qu'étaient l'armée et le parti Baas de Saddam Hussein ayant été dissous. Ils cherchèrent d'autres appuis parmi les éléments les plus réactionnaires de l'opposition, en particulier les partis religieux chiites qui avaient une base populaire. En agissant ainsi, ils créèrent une situation d'affrontement entre les différentes milices religieuses et les autres factions armées, kurdes ou autres. Chacune d'elles chercha à mener la lutte contre l'occupant pour son propre compte, pour parvenir à occuper le pouvoir au niveau local ou national. Les conflits entre les uns et les autres se transformèrent en véritable guerre civile, notamment entre sunnites et chiites, qui pourtant avaient vécu ensemble sous Saddam Hussein. La capitale Bagdad se divisa entre une série de ghettos sunnites ou chiites. Deux millions de réfugiés, en majorité sunnites, quittèrent l'Irak pour la Jordanie ou la Syrie. Deux autres millions, chassés de chez eux par les différentes milices ou les armées de la coalition, n'eurent pas les moyens de quitter le pays et durent s'installer où ils pouvaient.

Finalement, des élections eurent lieu en 2005, donnant une majorité parlementaire aux partis religieux chiites. Un chiite, Nouri al-Maliki, toujours en place à l'heure actuelle, fut chargé de former un gouvernement. Mais l'insécurité et la violence ne cessèrent pas, bien au contraire. Les attentats continuèrent à succéder aux attentats.

Misère et chaos

Aujourd'hui, le pays reste profondément divisé entre chiites et sunnites. La zone kurde au nord du pays a conquis de fait une quasi-indépendance. La tension est permanente entre le pouvoir irakien et les dirigeants de cette zone autonome kurde pour le contrôle de territoires limitrophes dont le sous-sol regorge de pétrole. Des élections provinciales prévues le 20 avril prochain ont été reportées de plusieurs mois sur décision du gouvernement, en raison de la situation sécuritaire.

Les troupes des États-Unis sont parties maintenant depuis plus d'un an, mais la présence de l'impérialisme américain reste massive. L'armée US a été remplacée par des mercenaires à la solde des États-Unis ou des compagnies américaines. La production pétrolière a ainsi pu repartir, et a même retrouvé son niveau d'avant-guerre. Les grandes compagnies pétrolières se frottent les mains.

La population, quant à elle, a payé le prix fort. Selon certaines estimations, la guerre aurait fait près de 1,5 million de morts. Aux sept millions de personnes qui ont dû fuir et se réfugier dans des camps, il faut ajouter les victimes des exactions commises par l'armée américaine, mais aussi par l'armée irakienne reconstituée, par les mercenaires ou les milices religieuses. La guerre a détruit des pans entiers de l'économie, mis à bas le réseau de distribution de l'électricité, de l'eau, le système de santé et d'éducation, dans un pays qui fut l'un des plus avancés du Moyen-Orient. Tel est le triste bilan pour la population irakienne des dix années de guerre au terme desquelles elle ne voit se dessiner qu'un avenir désespérant.

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