Espagne : Quand un assassin d'extrême droite retrouve du travail dans les services de sécurité de l'État21/03/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/03/une2329.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : Quand un assassin d'extrême droite retrouve du travail dans les services de sécurité de l'État

Le 24 février dernier, le journal El Pais publiait un article qui révélait qu'Émilio Hellin Moro, l'assassin en 1980 d'une militante du PST (Parti socialiste des travailleurs -- trotskyste) de 19 ans, Yolanda Gonzalez, travaille depuis quelques années « pour les Corps et Forces de la sécurité de l'État et forme ses agents dans les techniques d'espionnage et de renseignement ».

Cette révélation a suscité une légitime indignation : Hellin Moro avait été condamné, à l'époque, à quarante-trois ans de prison pour la séquestration, la torture et l'assassinat de Yolanda. Cet assassinat avait été revendiqué par un « Groupe 41 du Bataillon basque espagnol » et le procès avait mis en évidence les liens de ce groupe avec un parti d'extrême droite, Fuerza Nueva, auquel appartenaient des membres des corps de sécurité...

Ces faits rappellent les tensions qui marquèrent en Espagne la période dite « de transition », qui se situe entre la fin de la dictature franquiste et la mise en place d'un régime de monarchie parlementaire. Entre 1975 et 1982, la violence policière et parapolicière fit plus de 230 victimes. Ces réseaux noirs avaient été présentés comme un produit de l'alliance de l'extrême droite et des membres des Corps de Sécurité de l'État qui résistaient « au changement démocratique » après la mort de Franco en 1975, le dictateur qui avait réprimé violemment tous ceux qui aspiraient à plus de liberté et luttaient contre l'exploitation.

Le parcours de l'assassin de Yolanda en dit long sur ce que fut cette « transition démocratique ». En effet, Hellin avait pu s'enfuir plusieurs fois de prison, se réfugier un temps au Paraguay, obtenir des libertés conditionnelles et être libéré en 1996 ; puis, après 2006, il avait travaillé comme formateur dans les renseignements généraux et les enquêtes judiciaires, auprès des services de la police ou de la garde civile... Difficile de croire qu'il n'a pas bénéficié de complicités au sein même des Forces de sécurité de l'État ! Et qui pourrait penser que le grossier maquillage de son nom (un « g » rajouté) pourrait avoir trompé le ministère de l'Intérieur.

Aujourd'hui encore, la page de l'héritage du franquisme n'a pas été totalement tournée. Si la bourgeoisie espagnole et ses porte-parole politiques firent le choix, après la mort du dictateur, d'un régime « démocratique », ils laissèrent en place l'appareil d'État. Juges, militaires de haut rang, policiers, qui avaient servi sous Franco restèrent en place au service du nouveau régime. Et aujourd'hui encore leurs successeurs restent marqués par le respect de la loi du silence concernant les crimes d'une dictature qui avait duré plusieurs décennies.

La famille, les amis et les camarades politiques de Yolanda exigent qu'une enquête puisse mettre toute la lumière sur les responsabilités politiques de ce scandale qui fait qu'un assassin condamné à quarante-trois ans n'en fasse que treize et qu'en plus il puisse travailler pour les services de sécurité de l'État. Nous sommes solidaires de leurs démarches.

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