Amiante : La loi protège les empoisonneurs21/03/20132013Journal/medias/journalnumero/images/2013/03/une2329.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Amiante : La loi protège les empoisonneurs

Finalement, la juge Bertella-Geffroy, coordinatrice du pôle santé publique, a été mutée. S'abritant derrière le rapport du Conseil supérieur de la magistrature et le règlement limitant à dix ans les fonctions d'un juge spécialisé, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, volontiers présentée par la presse comme un personnage original voire un peu rebelle, a déchargé de ses fonctions celle qui, depuis 2003, a instruit les dossiers de santé publique, du sang contaminé à l'amiante.

Taubira a promis que cela n'aurait pas « d'incidence sur la conduite des dossiers », ce que réfute un avocat de l'Andeva, l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante, convaincu qu'on fait « feu de tout bois pour retarder la clôture de tout dossier dans cette affaire ». La juge Bertella-Geffroy le dit d'ailleurs elle aussi : « Au-delà de ma situation personnelle, la justice veut-elle vraiment de ces affaires de santé publique au pénal ? »

La réponse est claire : c'est non. Ce que certains magistrats et une partie de la presse se sont complus à appeler « fiascos judiciaires », en parlant des dossiers traités, avec très peu de moyens, par le pôle santé publique, révèle simplement l'impunité accordée par la loi à tous les acteurs de ces affaires.

Le parquet vient encore d'engager une procédure pour faire annuler les mises en examen de plusieurs hauts fonctionnaires, dont Martine Aubry, à l'époque directrice des relations du travail au ministère du Travail. Voilà une affaire à suivre, mais qui ne le sera pas par la juge Bertella-Geffroy, opportunément mutée.

Mais derrière les arguties juridiques, ce sont les industriels de l'amiante que la loi protège. En toute conscience, ils ont empoisonné les travailleurs et tous ceux qui habitaient près de leurs usines. L'usine Ferrodo-Valéo de Condé-sur-Noireau a ainsi fait, dans cette petite ville de 5 400 habitants, plus de 700 victimes, dont 115 morts. Encore ne s'agit-il là que des dossiers officiels. Le chiffre réel, selon l'Andeva, pourrait dépasser 1 500 dans cette seule ville. Saint-Gobain, exploitant avec Eternit une des plus grandes mines d'amiante au Brésil, a été le troisième producteur mondial et un des principaux empoisonneurs des travailleurs et de la planète.

En 1982, ces grands industriels ont créé un Comité permanent amiante, avec quelques scientifiques bien rétribués et des hauts fonctionnaires de l'État, et ils ont imposé leur loi, au mépris de toutes les données sur la dangerosité de ce matériau dont la fixation dans les poumons entraîne une maladie mortelle, l'asbestose. Depuis l'interdiction de l'amiante, l'État continue à protéger les patrons.

Le résultat, c'est l'enlisement de tous les dossiers, l'annulation en 2011 de la mise en examen pour Eternit, - alors qu'en Italie deux ex-patrons du groupe ont été condamnés à seize ans de prison - c'est la suspension de l'instruction en janvier 2013 du dossier de l'usine de Condé-sur-Noireau. C'est 3 000 décès par jour en France, et sans doute 100 000 d'ici à 2025.

Les grands industriels sont coupables de ces crimes ; l'État, la haute administration les ont couverts, et la « Justice » est priée de fermer les yeux.

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