Tunisie : Après cinq jours de manifestations à Siliana, un recul du pouvoir05/12/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/12/une2314.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Tunisie : Après cinq jours de manifestations à Siliana, un recul du pouvoir

La population de Siliana, ville de 25 000 habitants du centre-ouest tunisien, vient de vivre cinq jours de manifestations violemment réprimées par des détachements de la garde nationale et des unités spéciales antiémeutes.

Le 27 novembre, une manifestation organisée à l'appel du syndicat UGTT contre l'aggravation du chômage et de la corruption avait rassemblé devant le siège du gouvernorat plusieurs milliers d'habitants de Siliana, dont beaucoup de jeunes chômeurs. Les participants exigeaient également le départ du gouverneur, indifférent à la misère provoquée par le chômage, jugé incapable d'intervenir pour que des emplois soient créés dans la région, accusée d'entretenir le clientélisme et connu pour son appartenance au parti islamiste Ennahda, majoritaire au gouvernement. Les manifestants, accueillis par les matraques et les lacrymogènes destinés à les disperser, ripostèrent par des jets de pierres.

L'UGTT, parallèlement, appelait à la grève pour exiger que le gouvernement prenne en compte la pauvreté de la région en créant des emplois, qu'il limoge le gouverneur de Siliana -- le quatrième placé là depuis la chute de Ben Ali --, et libère des manifestants emprisonnés depuis avril 2011. Les autorités ont alors déployé des blindés et des forces supplétives. Dans le même temps, une propagande gouvernementale digne du régime précédent se mettait en place, le Premier ministre Jebali en personne déclarant sur une radio locale qu'il ne s'agissait au départ que d'un « incident entre deux employés du gouvernorat » qui avait dégénéré en « grève générale et désobéissance civile ».

En fait d'incident mineur, la population pauvre de Siliana constate que rien n'a changé dans ses conditions de vie, près de deux ans après la chute de Ben Ali. Dans la région intérieure de Kasserine, Sidi Bouzid, Gafsa et Siliana, les facteurs de la révolte de décembre 2010 à janvier 2011, déclenchée après le geste désespéré d'un jeune chômeur commerçant, sont toujours présents. Le taux de chômage officiel très sous-estimé est toujours de 18 %, soit 700 000 chômeurs dans ce pays de 11 millions d'habitants. Les régions du centre continuent de s'enfoncer dans la pauvreté. Siliana aurait même connu en un an une baisse de 66 % des offres d'emploi. Et, à part un énième gouverneur, rien n'a été proposé aux habitants, sauf les mêmes pratiques de favoritisme, de corruption, de nominations parachutées. Chaque semaine, la presse ou des sites Internet signalent des grèves, des manifestations, des débrayages spontanés, aussi bien dans des services publics que dans des usines, des compagnies de transport, des magasins.

Aux travailleurs et aux jeunes qui ont exprimé leur colère, les autorités -- sans doute en partie les mêmes que sous Ben Ali -- ont répondu par l'escalade de la répression. Aux jets de pierres et aux manifestants désarmés du 30 novembre, les forces de police ont répondu par des tirs de chevrotine, blessant et mutilant près de 300 manifestants, dont plusieurs ont perdu un oeil. L'hôpital régional était débordé et des soignants ont lancé un appel à l'aide.

Après un quartier pauvre en périphérie de Tunis, des manifestations ont également eu lieu au Kef, à Sbeitla, à Bargou, pour protester contre l'abandon ressenti dans ces zones déshéritées.

Est-ce par crainte de la contagion ? En tout cas le gouvernement a annoncé le départ du gouverneur de Siliana et l'accélération de l'examen des dossiers des emprisonnés : c'est une première victoire pour les manifestants.

Partager