Distilbène : Un scandale sanitaire exemplaire31/10/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/11/une2309.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Distilbène : Un scandale sanitaire exemplaire

Le 26 octobre, la cour d'appel de Paris a condamné deux laboratoires, UCB Pharma et Novartis, à indemniser une femme qui souffre d'un cancer dû au Distilbène, un médicament pris par sa mère durant sa grossesse. Dans le même temps, une autre femme, souffrant elle aussi des effets du Distilbène, est « seulement » stérile aux yeux des juges, et le lien entre sa maladie et le Distilbène n'est selon eux pas suffisamment prouvé.

Le Distilbène a été prescrit à des millions de femmes dans le monde entre les années 1950 et 1970, pour éviter les fausses couches. Dès 1953 une étude avait montré qu'il n'avait aucune efficacité en la matière. Comme il n'apparaissait pas dangereux à cette époque, il est resté sur le marché jusqu'en 1971, aux États-Unis, alors que des chercheurs avaient établi un lien entre une forme rare de cancer du vagin chez des jeunes femmes et la prise du Distilbène par leur mère. En France, 200 000 femmes ont pris du Distilbène durant leur grossesse ; elles ont donné naissance à 80 000 filles, dont beaucoup présentent des malformations de leur appareil génital, la moitié environ ne peuvent pas avoir d'enfant, une centaine ont eu un cancer.

On sait donc parfaitement que le Distilbène est inefficace et dangereux, qu'il a véritablement empoisonné la vie de millions de femmes dans le monde. Les laboratoires ont malgré cela continué à le vendre le plus longtemps possible, bien après que les risques ont été suspectés et même prouvés. Il n'a par exemple été interdit en France qu'en 1977, six ans après son retrait aux États-Unis. Ces laboratoires ont ensuite mené des batailles juridiques de plusieurs dizaines d'années pour ne pas indemniser les victimes, dont bien peu ont réussi à passer tous les obstacles. Il leur faut être atteintes d'une maladie dont les liens avec le Distilbène sont prouvés, et retrouver la preuve que leur mère en a pris. Une petite évolution juridique permet cette fois-ci à une femme de toucher un peu moins de 200 000 euros pour son cancer. En effet, il n'est dorénavant plus nécessaire de prouver précisément quel était le fabricant du médicament pris par sa mère.

Ce scandale du Distilbène ressemble à beaucoup d'autres scandales sanitaires. Les faits sont clairement établis, il n'y a aucun doute sur la nature véritablement criminelle du comportement des responsables des laboratoires pharmaceutiques, mais la logique judiciaire permet à des fabricants de produits dangereux de s'en sortir la plupart du temps.

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