Pakistan : Les pays dits émergents et le capitalisme assassin20/09/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/09/une2303.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Pakistan : Les pays dits émergents et le capitalisme assassin

Le 11 septembre, plus de 310 femmes, hommes et enfants ont trouvé la mort dans l'incendie de deux usines au Pakistan. Le matin, à Lahore, 25 ouvriers, pour la plupart des enfants, étaient brûlés vifs dans une usine de chaussures. Le soir, un incendie éclatait à Ali Enterprises, une usine textile de Karachi.

Le millier d'ouvriers qui s'y trouvaient étaient pris au piège : les fenêtres étaient condamnées par des barres de fer et l'ouverture électrique de l'unique sortie avait été mise hors service par l'incendie. Au dernier décompte, les pompiers disaient avoir retrouvé 289 corps. Mais faute d'un registre des employés, on ne saura jamais le nombre réel des victimes.

L'affaire a fait un tel scandale que le ministre provincial de l'Industrie s'est senti contraint de démissionner, tandis que les autorités ouvraient une information pour meurtre à l'encontre des trois propriétaires de l'usine. Mais, par-delà l'incurie criminelle de ces patrons, c'est la réalité de l'exploitation capitaliste dans les pays dits « émergents », dont le Pakistan est supposé faire partie, que révèle cette affaire.

L'usine Ali Enterprises est l'une des quelque 4 000 usines de SITE, la plus grande zone industrielle du sous-continent indien, que dessert le port de Karachi. Environ un demi-million d'ouvriers y travaillent, essentiellement pour l'exportation. Pour des raisons fiscales, plus de 90 % d'entre eux ne sont pas déclarés, ce qui leur interdit l'accès à toute protection sociale. Les salaires y sont de l'ordre de 40 à 80 euros par mois, pour un horaire de travail « normal » de 72 heures hebdomadaires.

Dans les usines de SITE, les accidents et incendies sont fréquents. L'usine Ali Enterprises en est elle-même à son quatrième incendie en trois ans. Ce n'est pas faute de réglementation sur la sécurité. Mais tout s'achète, y compris la complicité des bureaucrates sous-payés chargés de faire appliquer ces règles. Même la justice s'achète comme l'a montré l'écroulement d'un pont tout neuf, qui fit dix victimes en 2010, tout près de l'usine Ali Enterprises. Les normes de sécurité n'avaient pas été observées et les coupables, de gros entrepreneurs de Karachi, étaient connus. Mais cela n'empêcha pas les juges de prononcer leur acquittement, « faute de preuves » !

Quant au mouvement ouvrier qui, à la faveur des puissantes mobilisations des années 1970, avait réussi à se faire respecter, les dictatures qui suivirent l'ont décapité. Aujourd'hui, le patronat règne sur SITE, avec l'aide de la police et des milices armées de Karachi, liées ou non aux partis ethniques et religieux.

Bien sûr, les principaux bénéficiaires de cette exploitation criminelle de la classe ouvrière sont les grandes entreprises occidentales du textile et de l'habillement. L'industrie textile pakistanaise a produit près de 56 % des exportations du pays en 2011, employant 38 % de la main-d'oeuvre ouvrière. Les trusts occidentaux trouvent au Pakistan, comme dans les autres pays « émergents », des produits dont le coût est d'autant plus bas qu'ils mettent leurs sous-traitants locaux en concurrence. Non seulement les travailleurs des pays pauvres nourrissent les profits de ces trusts de leur sueur et de leur santé mais, comme le montrent les incendies du 11 septembre au Pakistan, ils les paient aussi de leur vie.

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