Dans le monde

Égypte - Généraux et Frères musulmans : Rivaux et complices

Mohammed Morsi, le président égyptien élu en juin dernier et issu du parti des Frères musulmans, a envoyé à la retraite un quarteron de militaires de haut rang. La retraite est dorée et assortie de postes lucratifs ou honorifiques. L'état-major a lui-même indiqué que la décision a été prise avec son accord. Des décorations ont même été distribuées. Mais il reste que c'est le président civil qui a pris la décision et qui a tenu à le faire savoir.

En Égypte, l'armée exerce de fait le pouvoir depuis le coup d'État de 1952. Non seulement tous les chefs d'État en étaient issus, mais la coterie des officiers généraux avait fini par devenir une puissance économique, détenant des industries entières, prélevant sa dîme sur de nombreux secteurs de l'économie et exerçant pour cela un contrôle étroit sur toute la vie sociale. La famille Moubarak, devenue milliardaire à l'ombre du pouvoir, en était le symbole et avait cristallisé contre elle la colère populaire.

Les manifestations de janvier et février 2011 ayant rendu la situation intenable pour Moubarak, l'état-major, sous la direction du maréchal Tantaoui, s'était chargé d'assumer la transition. Pas un cheveu n'a alors été touché sur les têtes des classes possédantes, y compris en uniforme. Le passage à un pouvoir civil devenait souhaitable et souhaité, y compris par les militaires, les possédants et... les États-Unis, puissance tutélaire de l'Égypte, principal fournisseur de crédits et large contributeur au budget militaire de ce pays.

Les Frères musulmans, vieux parti de notables réactionnaires auxquels la dictature militaire avait délégué l'organisation sociale et charitable de l'Égypte, ayant acquis auprès du peuple une réputation d'honnêteté en restant éloignés du pouvoir et auprès des Américains une auréole de respectabilité en n'appelant pas à manifester, firent alors la preuve de leur utilité. Ils réussirent à gagner haut la main les élections, législatives puis présidentielle, sans compromettre, même en paroles, l'ordre social.

Mais, depuis lors, les Frères musulmans et le Conseil supérieur des forces armées, complices pour assurer la transition dans l'ordre, sont concurrents pour l'exercice réel du pouvoir. Cette concurrence est pour l'instant feutrée. Et c'est certainement avec l'accord d'une frange importante du corps des officiers, celle dont la carrière était bloquée par l'inamovibilité des Tantaoui et consorts, que Morsi a réalisé son « coup d'État ». La presse américaine relate même qu'un certain nombre de jeunes officiers nourrissent beaucoup d'espoirs professionnels dans le nouveau gouvernement civil.

Les travailleurs d'Égypte, les classes populaires en général n'ont en revanche rien à en attendre. De Moubarak à Morsi ce sont toujours les classes possédantes qui sont au pouvoir. Ouvertement ou en coulisse, le corps des officier reste la colonne vertébrale de l'État. Moubarak est parti, Tantaoui est en retraite, mais il n'y a toujours ni pain, ni travail, ni logement pour les opprimés.

Partager