Scandale du Mediator : Justice n'est pas encore faite16/05/20122012Journal/medias/journalnumero/images/2012/05/une2285.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Scandale du Mediator : Justice n'est pas encore faite

Le procès du groupe pharmaceutique Servier qui a commercialisé le Mediator, responsable d'au moins 500 morts, vient de s'ouvrir. Le PDG et fondateur du groupe, Jacques Servier, risque quatre ans d'emprisonnement et son laboratoire une interdiction d'exercer.

Mais à peine ouvert, ce procès sera peut-être ajourné grâce aux manoeuvres de ses avocats. Ceux-ci ont en effet posé deux « questions prioritaires de constitutionnalité », l'une sur le délai de prescription en matière de tromperie et l'autre sur l'impossibilité de juger une même affaire dans deux juridictions, à Nanterre et à Paris.

Lundi 21 mai, le tribunal statuera sur ces deux questions et éventuellement annulera le procès. Ce serait bien sûr un scandale, car des milliers de malades risquent ainsi de ne jamais voir Servier condamné à leur verser des indemnités, leur maladie évoluant malheureusement plus vite que la justice.

Mais cette manoeuvre de Servier n'a été que la dernière d'une série qui a commencé dès le retrait du médicament en 2009, après trente-quatre ans de commercialisation. On apprenait alors que ce produit qui était une amphétamine -- un coupe-faim -- avait été présenté comme un médicament antidiabétique, utile notamment chez les diabétiques obèses. Pourquoi ? Parce que le marché du diabète est plus vaste, celui des obèses encore plus, et donc la rentabilité financière attendue bien supérieure. Et elle fut en effet au rendez-vous, avec cinq millions de malades traités.

Des plaintes déposées contre Servier pour tromperie aggravée, homicide involontaire et escroquerie ont dévoilé les liens très étroits entre Servier, les experts médicaux et les milieux politiques. Le professeur Charpentier, un des médecins qui avaient travaillé pour l'AMM (autorisation de mise sur le marché), révélait que toute référence au caractère coupe-faim du Mediator avait été gommée. Les responsabilités de l'Agence française du médicament, chargée théoriquement de contrôler les produits, et sa bienveillance envers le laboratoire devenaient évidentes et permettaient de comprendre pourquoi le Mediator était vendu en France, alors qu'il avait été interdit dans le reste du monde bien avant 2009. Pire, le Mediator est resté jusqu'à la fin remboursé à 65 % malgré des demandes répétées de déremboursement, rejetées notamment en 2006 par Xavier Bertrand, le ministre de la Santé de l'époque.

Servier a cherché à se défausser sur l'Agence, qui savait et ne disait rien, mais aussi sur les médecins prescripteurs. Mais ce fut l'occasion de découvrir des plaquettes publicitaires du laboratoire qui gommaient sciemment la dangerosité du produit, et en tout cas ses propriétés de coupe-faim.

Plus odieux encore, le laboratoire a nié que son produit soit responsable de centaines de décès, Jacques Servier parlant devant une commission parlementaire de trois décès, puis une de ses collaboratrices de trente-huit. Servier refusait aussi d'indemniser les malades ayant pris son poison et ne voulait entendre parler que de ceux qui pouvaient démontrer le lien entre le Mediator et leur maladie cardiaque. Et au cours d'une expertise médicale demandée par Servier une femme fut victime d'un arrêt cardiaque...

Le docteur Irène Frachon, qui a été à l'origine de la dénonciation du Mediator, n'a eu de cesse de dénoncer « le mensonge et le déni des laboratoires Servier ». Mais entre Servier, deuxième laboratoire français, et le danger potentiellement mortel d'un de ses produits, la balance a longtemps penché du côté de ce trust riche et très influent.

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