Leur société

Pour le Conseil constitutionnel, le harcèlement sexuel, ça n'existe plus

Le vendredi 4 mai, le Conseil constitutionnel a annulé purement et simplement la loi punissant le harcèlement sexuel, sous prétexte qu'elle était « trop imprécise ». La conséquence immédiate est que des plaignantes, qui avaient une chance de voir aboutir leur plainte après des procédures qui duraient souvent depuis plus de cinq ans, sont renvoyées à la case départ, obligées de recommencer ce qui peut être assimilé à un véritable parcours du combattant.

En effet, porter plainte dans le cadre de son travail contre un employeur, ou un chef qui use de son autorité pour imposer des faveurs sexuelles, relève d'un vrai défi. Et prouver les faits s'avère extrêmement compliqué : de nombreuses femmes renoncent à le faire, car elles ont à affronter non seulement leur hiérarchie mais aussi les préjugés de leurs collègues. D'autant que, sur cinq cents plaintes en cours, seules quatre-vingts aboutissent en moyenne chaque année !

Le pire est que cette loi qui date de 2002 est annulée à la suite d'une simple question prioritaire de constitutionnalité déposée par un député et maire adjoint de droite, Gérard Ducray, qui avait été condamné en appel à trois mois de prison avec sursis et 5 000 euros d'amende pour avoir harcelé trois des employées de sa mairie. Sur les trois, une seule avait osé maintenir sa plainte et avait réussi à obtenir sa condamnation. Elle avait pu prouver non seulement que Gérard Ducray s'était jeté sur elle, mais qu'il avait fait pression sur sa carrière en monnayant des « faveurs. » Aujourd'hui Ducray, qui avait plaidé « la séduction maladroite », se voit complètement blanchi alors que sa victime, elle, doit de nouveau porter plainte pour prouver sa bonne foi !

Le motif « d'imprécision de la loi » invoqué par le Conseil constitutionnel est pour le moins hypocrite. Ce sont les associations féministes qui sont les premières à dénoncer depuis des années l'imprécision de la loi. Elles demandaient qu'elle soit modifiée et précisée, mais pas abrogée. Le Conseil constitutionnel a estimé qu'il était urgent d'abolir une loi qui pouvait, selon lui, créer du tort à d'innocentes victimes... masculines. Il lui a fallu tout de même plus de dix ans pour s'en rendre compte. Et il semble qu'il soit apparu d'autant plus urgent de le faire que d'autres affaires mettant en cause des hommes politiques se profilaient, par exemple celle concernant Georges Tron, ce député-maire obsédé par les pieds de ses subordonnées.

Le combat des femmes n'a pas fini de se heurter à des obstacles, y compris juridiques. C'est aussi et surtout la lutte collective, la solidarité, qui permettront d'imposer que toutes et tous soient respectés au travail, en faisant rentrer sous terre le chef qui harcèle ses employés.

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