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Côte d'Ivoire : Contre une grève, les militaires au secours du patron

Cet article a été publié par le Pouvoir aux Travailleurs, mensuel de l'Union africaine des travailleurs communistes trotskystes (Uatci-Uci) du 20 novembre 2011, et décrit une grève qui s'est déroulée en Côte d'Ivoire.

BNA est une entreprise située à la zone industrielle de Yopougon. Elle fabrique des bassines en plastique appelées communément « seau Gbagbo ».

Cette petite entreprise emploie tout au plus une soixantaine de travailleurs. Elle n'a aucune existence légale. BNA existe depuis sept ans mais aucun des travailleurs n'est embauché ni déclaré. Ils sont payés sans bulletin de paie. Les salaires sont fixés à la tête du client. Ils sont payés à 1 000 F, 1 500 F, 2 000 F ou 2 500 F au maximum par jour, toutes indemnités comprises (un euro vaut aujourd'hui 656 francs CFA).

Refusant de continuer à travailler dans de telles conditions, les travailleurs ont engagé des démarches depuis le mois de juillet. Ils ont contacté la sous-direction de l'Inspection de travail de Yopougon, qui a convoqué six fois la direction de l'entreprise sans qu'elle daigne se déplacer. Alors ils se sont organisés en syndicat affilié à l'Ugtci, mais le patron refuse toujours de rencontrer qui que ce soit. En octobre, les travailleurs ont déposé un préavis de grève de six jours. Le délai dépassé, ils ont entamé une grève le lundi 31 octobre.

Pour toute réponse, le patron a fait appel aux éléments de la section Frci (Force républicaine de Côte d'Ivoire) de la BAE (brigade anti-émeutes) de Yopougon pour venir intimider les travailleurs. Pendant une semaine, le commandant, un certain Soro Nindja, a fait pression sur eux pour qu'ils reprennent le travail sans condition. Comme ils refusaient toujours de reprendre, le 10 novembre, le commandant et une dizaine de ses éléments sont venus embarquer des travailleurs de force pour les emmener à leur base. Tout d'abord ils les ont fait courir depuis la zone, femmes comme garçons, dont une vieille ouvrière âgée de plus de cinquante ans. Ensuite, arrivés dans leur camp, ils leur ont fait passer un mauvais quart d'heure.

Comme de vulgaires voleurs, les travailleurs ont été contraints d'effectuer des pompes pendant une trentaine de minutes, de marcher à genoux et ramper à plat ventre sur un terrain caillouteux. Ils ont même fait coucher les femmes et les personnes âgées sur le dos face au soleil de midi. Ce commandant, proférant des menaces a même dit que, eux, les Frci, ils tuent sans être inquiétés. Et que lui est tellement fâché parce que les travailleurs ne veulent pas reprendre le travail, qu'il a envie de les massacrer tous ; que dans ce camp, ils font ce qu'ils veulent, car ce sont eux qui font la loi.

Ce cauchemar n'a pris fin qu'aux environs de 17 h 30. Mais les travailleurs n'ont rien lâché malgré les genoux, les bras et les ventres ensanglantés, malgré les humiliations et les bastonnades qu'ils ont subies. (...)

Devant cette impasse, des travailleurs ont proposé de faire connaître leur grève à ceux des autres entreprises de la zone pour leur expliquer leurs conditions de travail, sachant que nombre d'entre eux vivent eux aussi la même situation.

Ensemble, ils peuvent être plus forts, face à ce patronat qui ne cédera que s'il est vraiment pris à la gorge. Quant aux agissements des Frci, ils montrent bien qu'ils sont pareils que les Fds (Forces de défense, qui agissaient sous le gouvernement de Gbagbo), quand il s'agit de réprimer les travailleurs et servir comme chiens de garde aux riches.

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