L'affaire Bourgi : Les pratiques mafieuses du pouvoir14/09/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/09/une2250.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

L'affaire Bourgi : Les pratiques mafieuses du pouvoir

Le commun des mortels ne connaît pas ce Robert Bourgi qui vient de révéler au Journal du Dimanche comment il convoyait, de la part de dictateurs africains, des dizaines de millions destinés à Chirac, président de la République, et à Villepin, à l'époque son conseiller à l'Élysée. Transferts réguliers d'argent tout à fait illégaux, effectués dans le secret par des procédés de mafieux, destinés au financement des partis au pouvoir, mais aussi selon Bourgi, au Front national de Le Pen.

Robert Bourgi, avocat d'affaires de profession, est un de ces hommes de l'ombre qui grouillent au coeur de l'appareil d'État et qui, sans avoir aucune fonction officielle et encore moins élective, détiennent une parcelle plus ou moins grande du pouvoir. Il se revendique de l'héritage de Jacques Foccart, éminence grise de la politique africaine depuis de Gaulle, qui faisait et défaisait les chefs d'État en Afrique dans les années suivant la décolonisation, en fonction de leur fidélité aux « intérêts français », c'est-à-dire de leur capacité à préserver la mainmise des groupes capitalistes français sur le pétrole, les richesses minières, l'économie des anciennes colonies africaines. En contrepartie, ces dictateurs pouvaient compter sur le soutien de la diplomatie et, au besoin, de l'armée française pour les protéger contre leur propre peuple.

Le réseau dit « Françafrique », mis en place pour perpétuer le pillage du temps de la domination coloniale, a géré la menue monnaie arrosant la caste dirigeante de l'État français. L'arrivée des socialistes au pouvoir avec Mitterrand n'a rien changé à ce système, sauf que c'est le propre fils de Mitterrand qui devint pour quelque temps le « Monsieur Afrique », aimablement désigné paraît-il, par les coteries des chefs d'État africains, sous le sobriquet de « Papa m'a dit ».

Ainsi va la prétendument démocratique République française ! Pendant que les dirigeants élus font leur numéro devant les caméras, parlant d'intérêt national, de démocratie, de solidarité, d'éthique, le véritable pouvoir est exercé par de hauts fonctionnaires que personne n'élit, secondés, voire dirigés, par des hommes de l'ombre qui assurent les liens entre les dirigeants de notre « démocratie » impérialiste et les dictateurs les moins ragoûtants d'Afrique. Derrière les feus Mobutu ou Bongo, derrière les Biya, Gbagbo ou Nguesso, bourreaux de leurs peuples, pourris de corruption, il y a notre « démocratie » impérialiste.

Les sommes qui circulent dans les coulisses, arrosant au passage de hauts dignitaires de l'État français, sont en réalité des pourboires concédés par les grands trusts, genre Total pour le pétrole, Bolloré pour les installations portuaires, Bouygues pour les grands travaux, Areva pour l'uranium et quelques autres pour les bois précieux, l'aluminium, le cacao ou le café, afin que le système tourne. Un système fait pour que les dirigeants et actionnaires de ces grandes sociétés puissent continuer à dépouiller l'Afrique, à maintenir ses peuples dans les bidonvilles de la misère, pendant que les milliards gagnés sur leurs richesses naturelles sont rapatriés vers la France (sans qu'un trust comme Total éprouve le besoin de payer des impôts !)

Les « révélations » de Bourgi n'en sont certainement pas pour le milieu dirigeant. Elles sont peut-être inspirées par Sarkozy pour déstabiliser ses rivaux du clan Chirac-Villepin. Cela illustre seulement les moeurs de ce beau monde. Tout en enfonçant Chirac et Villepin, Bourgi sert la soupe à Sarkozy en affirmant que l'arrivée de ce dernier à l'Élysée a stoppé ces pratiques mafieuses. Mais, la semaine même des révélations de Bourgi, les documents trouvés lors de la mise à sac des bureaux de Kadhafi en Libye ont fourni la preuve de l'implication très étroite des services secrets français sous Sarkozy dans la répression exercée par le dictateur déchu contre son propre peuple.

Alors, souvenons-nous-en au moment où se met en route une nouvelle fois la machinerie électorale, pour nous faire croire que c'est le peuple qui, avec son bulletin de vote, choisit la politique menée !

Souvenons-nous que tous ces dirigeants politiques des deux bords, qui font le beau pour se faire élire, ne sont que des paravents pour cacher une réalité sociale abjecte. Ces mêmes groupes capitalistes, qui s'enrichissent ici en France de l'exploitation de leurs travailleurs et qui sont responsables du chômage et de la pauvreté qui montent, s'enrichissent aussi du pillage des pays pauvres et de la misère infinie de leurs peuples.

Voilà pourquoi la lutte pour l'émancipation des travailleurs de ce pays des chaînes de l'exploitation se confond avec la lutte pour la libération des peuples des pays d'Afrique de l'oppression politique et du pillage impérialiste.

Éditorial des bulletins d'entreprise du 12 septembre

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