Lagarde se prend les pieds dans le Tapie10/08/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/08/une2245.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Lagarde se prend les pieds dans le Tapie

Jeudi 4 août, la Cour de justice de la République (CJR) a décidé une enquête sur le rôle de Christine Lagarde dans le règlement de l'affaire Tapie. La nouvelle directrice du FMI est soupçonnée de « complicité de faux et détournement de biens publics ». En effet elle était ministre des Finances lorsqu'en juillet 2008 un arbitrage avait accordé à Bernard Tapie une indemnité. Cela permettait à l'affairiste de toucher, avec les intérêts, la coquette somme de 403 millions d'euros d'indemnités pour préjudices subis en 1993, lors de la vente du groupe Adidas au Crédit lyonnais. La CJR est la seule instance à pouvoir juger les faits commis par un ministre dans l'exercice de ses fonctions.

Dix-huit ans après, cette affaire n'est pas close, même si les 403 millions semblent acquis à l'homme d'affaires ex-ministre, acteur à ces moments perdus et cabotin en permanence.

Tout remonte à 1992, quand Tapie est entré pour la seconde fois comme ministre de la Ville dans le gouvernement Bérégovoy. Il venait d'acheter Adidas pour une bouchée de pain, mais Bérégovoy lui avait conseillé de se défaire de ses entreprises. Il crut réaliser une bonne affaire en vendant Adidas 300 millions d'euros au Crédit lyonnais, banque publique à l'époque, en février 1993. Mais deux mois après, la banque le revendait pour 700 millions. Entre-temps, Balladur avait remplacé Bérégovoy. L'ex-ministre de la Ville, alors placé en liquidation judiciaire, criait au voleur et réclamait des centaines de millions d'indemnités.

S'ensuivirent plus de dix ans de procédures, au cours desquels le Crédit lyonnais fut acheté par le Crédit agricole, banque privée, son passif étant géré par un organisme public, le CDR. Le différend opposait donc désormais Tapie à l'État. En 2004, le ministre des Finances Sarkozy proposa un premier arbitrage, mais le CDR refusa de payer. En 2005 la cour d'appel de Paris attribua 135 millions à Tapie. Décision annulée en 2006 par la Cour de cassation. En 2007, sous la présidence de Sarkozy pour qui Tapie avait appelé à voter, sa ministre de l'Économie Christine Lagarde imposait un second arbitrage, qui en 2008 accordait à Tapie 403 millions d'indemnités, dont 45 millions pour « préjudice moral ». Et Lagarde claironnait alors qu'elle n'entreprendrait aucun recours et qu'avec ces 403 millions l'État s'en tirait à bon compte.

C'est pour avoir accepté, certains disent imposé, cet arbitrage favorable à Tapie que Lagarde se retrouve aujourd'hui incriminée.

Ce rebondissement de l'affaire Tapie risque de durer encore quelques années, la Cour de justice de la République ayant la réputation de se hâter lentement. En attendant, Tapie va pouvoir jouir des quelque 200 millions qui devraient lui rester, une fois ses dettes réglées. De quoi lui faire oublier son « préjudice moral »... aux frais du contribuable.

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