Trente ans après le 10 mai 1981 : Les politiciens encensent l'un des leurs11/05/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/05/une-2232.gif.445x577_q85_box-0%2C12%2C167%2C228_crop_detail.png

Leur société

Trente ans après le 10 mai 1981 : Les politiciens encensent l'un des leurs

Une semaine, tout juste, après que les derniers cierges allumés à l'occasion de la béatification de Jean-Paul II se sont éteints, on en a allumé d'autres, et à foison, pour glorifier cette fois, le 30e anniversaire de l'élection de François Mitterrand.

De tout bord, on en fait des tonnes et des tonnes. Même la droite s'est inclinée devant la mémoire de ce politicien qui, faut-il le rappeler, fit l'essentiel de sa carrière dans ses rangs. Ouvertement d'abord, jusqu'aux années cinquante et de façon plus camouflée dans les années suivantes.

Tous se sont rejoints pour vanter son habileté politique, que certains qualifient de « florentine », manière de dire qu'il avait des dons pour tromper son monde. Ce qui n'est pas contestable.

À la tête du PS, on se bouscule pour apparaître comme le plus fidèle, sinon le plus humble de ses héritiers. C'est à qui brandira, sinon un vrai (faux) morceau de la vraie croix, du moins un bout de sa légendaire écharpe rouge ou de son chapeau mou.

Si la reconnaissance que le monde des politiciens exprime à l'égard de celui qu'ils considèrent comme un de leurs modèles en politique se comprend, les classes populaires n'ont, elles, aucune raison de se congratuler ou d'éprouver une quelconque nostalgie de cette période.

La façon dont il a su tromper son monde est-elle due à des talents exceptionnels ? En tout cas il a bénéficié d'une remarquable complaisance pour construire sa carrière et sa légende, pour ne pas dire d'une complicité des médias qui, unanimes dans leur silence, ont réussi à totalement occulter tout son passé de politicien ouvertement ancré à droite. Y compris ses fréquentations plus que douteuses avec des hommes comme René Bousquet, responsable de la déportation massive des Juifs sous Vichy.

Il a su surtout duper tout son monde en passant, aux yeux de la classe ouvrière et des classes populaires, comme l'incarnation d'un profond espoir de changement. Il y a réussi avant tout grâce à l'attitude des dirigeants du PCF, qui n'ont pas ménagé leurs efforts, et ceux des militants, pour lui construire un formidable piédestal. Ils l'ont fait dès 1965, mais surtout après son élection en 1981. Celle-ci permit à Mitterrand d'accéder aux sommets pour, ensuite, mener une politique tout entière au service des intérêts de la bourgeoisie et frontalement dirigée contre les intérêts des travailleurs et des classes populaires. C'était, faisaient croire les dirigeants du PCF à l'époque, du donnant-donnant. Le PCF apportait à Mitterrand, et par-delà au PS, son onction comme représentant des intérêts du monde du travail. En contrepartie, Mitterrand élu leur apporterait l'honorabilité ministérielle.

Un marché de dupes ? Pire, une forfaiture car les responsables ne pouvaient honnêtement ignorer les termes du contrat.

Car Mitterrand n'avait même pas caché son jeu. En juin 1972, devant le congrès de l'Internationale socialiste réuni à Vienne en Autriche, il avait justifié ainsi son alliance avec le PCF autour du Programme commun : « Notre objectif fondamental, c'est de refaire un grand Parti socialiste sur le terrain occupé par le Parti communiste lui-même, afin de refaire la démonstration que, sur cinq millions d'électeurs communistes, trois millions peuvent voter socialiste : c'est la raison de l'accord PC-PS ». Mitterrand avait donc affiché d'entrée le prix des places qu'il ferait payer au PCF pour laisser entrer quatre des siens dans un gouvernement en 1981.

Aujourd'hui ceux qui se présentent comme les héritiers de Mitterrand ne prennent pas la peine de se revendiquer de son action - réduite à très peu de chose, il est vrai - en faveur des classes populaires. Ils mettent en avant ses qualités d'homme politique, au sens politicien du terme, sa capacité à rivaliser avec les autres grands de ce monde ; c'est-à-dire en fin de compte sa dimension d'homme d'État ou, pour dire les choses autrement, sa rouerie et sa roublardise mises au service des classes possédantes. C'est une façon finalement assez franche de se définir.

Jean-Pierre VIAL

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