À propos du nucléaire, du gaz de schiste... et de l'écologie - notre réponse :04/05/20112011Journal/medias/journalnumero/images/2011/05/une-2231.gif.445x577_q85_box-0%2C15%2C162%2C225_crop_detail.png

Leur société

À propos du nucléaire, du gaz de schiste... et de l'écologie - notre réponse :

Monsieur, Nous avons bien reçu votre courrier du 28 février 2011 nous donnant des recommandations concernant le programme que nous devrions défendre sur le « nucléaire civil et militaire », « l'exploration du gaz de schiste » et les « économies d'énergie ». Nous avons apprécié comme elle le mérite votre vigilance en la matière.

Vous avez fait le choix de militer sur le terrain de l'écologie, et c'est fort estimable. Tous ceux qui dénoncent les mille et un méfaits de l'organisation capitaliste de l'économie font oeuvre utile.

Pour vous rassurer, nous sommes parfaitement conscients de la menace que représentent les centrales nucléaires gérées dans le cadre de l'économie capitaliste, aussi bien celles propriété des groupes privés que celles appartenant à l'État. Mais - et c'est là où, à en juger par votre lettre, nous n'avons pas la même vision du monde - nous sommes surtout conscients de la menace que représentent tous les secteurs industriels et l'ensemble de l'économie sous gestion capitaliste.

Nous ne nous prononçons pas entre les différentes formes d'énergie que l'humanité peut utiliser dans l'avenir. Mal maîtrisées, elles peuvent toutes représenter une menace à des degrés divers pour la société. Il est vital pour la société d'en maîtriser non seulement la technologie mais aussi les conditions de mise en oeuvre.

Bien sûr, les dangers que ces diverses formes d'énergie représentent peuvent être différents par leur nature. Vous admettez cependant implicitement qu'elles présentent toutes des dangers ou des inconvénients puisque vous militez tout à la fois contre le nucléaire et l'exploration du gaz de schiste. Mais vous vous en prenez aux types d'énergies, et pas du tout aux conditions sociales de leur mise en oeuvre. Or, maîtriser quelque énergie que ce soit, quelque industrie que ce soit, implique que les décisions soient prises en fonction du seul intérêt collectif, réfléchi, raisonné et que le choix soit démocratiquement décidé. Or, dans l'économie actuelle, ce qui détermine les décisions, c'est la recherche du profit, ce qui est absolument contradictoire avec la maîtrise consciente.

Alors, si vous nous le permettez, nous, nous militons sur le terrain du communisme révolutionnaire, c'est-à-dire pour le renversement de l'organisation capitaliste de la société dans son ensemble. Et s'il y a de plus en plus de monde, surtout par les temps qui courent, pour militer sur le terrain de l'écologie - l'écologie devient même un argument commercial -, il y en a nettement moins pour militer pour le renversement du capitalisme.

Nous n'avons pas attendu le développement du courant écologiste pour dénoncer, parmi bien d'autres dégâts dus à une organisation économique mue exclusivement par la recherche du profit, les dégâts, parfois irréversibles, qu'elle a imposés à la nature. Un communiste révolutionnaire comme Engels en avait parlé, il y a bien longtemps, à une époque où le terme « écologie » n'était pas encore inventé et, surtout, bien avant qu'une catégorie spéciale d'hommes politiques fassent de l'écologie un capital politique pour se faire élire.

Outre le nucléaire, vous vous en prenez à « l'exploration du gaz de schiste ». Fort bien. Mais il faudrait ajouter tout le reste : l'extraction du charbon, du pétrole, de toutes les matières premières énergétiques. Pour les remplacer - encore que vous ne pouvez pas toutes les remplacer, sauf à un retour impossible à avant la révolution industrielle !- vous proposez « une politique ambitieuse pour la sobriété énergétique, les économies d'énergie et le développement des énergies renouvelables ».

Au moins, sur le dernier élément de la phrase, nous ne sommes pas en désaccord. Mais pour ce qui est de la « sobriété énergétique », dans cette société partagée entre riches et pauvres, cela signifie sobriété imposée aux pauvres par des augmentations de prix. Les familles pauvres ne pourront pas se payer le fioul pour se chauffer ni l'essence pour se déplacer, en dehors des transports collectifs de moins en moins suffisants, pendant que les riches pourront voyager en 4x4 ou en Rolls, sans parler de ce que consomment leurs yachts ou leurs jets privés.

Dans cette société de classes, il n'y a pas de proposition neutre. Et ce qui est formulé comme tel frappe toujours la majorité pauvre de la population, et pas la minorité riche.

Alors oui, nous vous rejoignons bien volontiers sur le constat, sur « le coût du démantèlement » (des centrales nucléaires) qui « pèsera lourdement dans les années à venir » ou encore sur l'absence de « solution pour les déchets radioactifs ».

Nous vous rejoignons également sur le constat que « la prolifération de l'arme atomique à travers le monde entier constitue un danger permanent ». Mais en ajoutant : comme en constitue la prolifération des armes classiques. Le bombardement de Dresde, en 1945, avec des bombes tout à fait classiques, a fait autant de victimes que la bombe d'Hiroshima. Et, bien que la bombe nucléaire n'ait pas été utilisée depuis Hiroshima, depuis cette date d'août 1945 plusieurs millions d'enfants, de femmes et de hommes sont morts dans diverses guerres locales ou régionales.

Il faut croire que le problème n'est pas dans les réactions nucléaires mais dans l'irresponsabilité de ceux qui dirigent une économie, une société irresponsable. L'économie basée sur la recherche du profit maximum a trouvé le moyen de tuer même. avec les vaches rendues « folles » parce que nourries en dépit du bon sens pour gagner quelques sous de plus. Elle sait transformer des médicaments en poisons. Et la très innocente industrie chimique a fait plus de morts à Bhopal ou à Seveso que les centrales nucléaires.

Loin de nous l'idée de minimiser le danger que représente pour l'humanité une industrie nucléaire non maîtrisée. Mais le problème de notre époque est de faire en sorte que la société maîtrise toute sa vie collective et que les choix entre les différentes options en matière d'énergie puissent être des choix conscients, réfléchis, de la collectivité, et pas le choix de groupes industriels et financiers en fonction de leurs seuls espoirs de profits.

Alors, nous vous remercions de votre lettre, de vos « recommandations », de votre « vigilance », mais cela nous convainc encore plus de militer sur le terrain sur lequel nous avons choisi de militer, celui de la nécessité d'une transformation sociale sans laquelle l'humanité retournera à la barbarie, avec ou sans le nucléaire. Cela dit, bon courage pour vos propres activités !

Lutte Ouvrière, le 3 mai 2011

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