Dans le monde

Libye : L'Otan bombarde pour les intérêts des grandes puissances

« Protecteurs unifiés », tel est le nom de code de l'opération militaire menée par le haut commandement de l'Otan en Libye. Elle aurait, en quelques jours, compté 276 sorties pour des bombardements destinés, selon le discours officiel des puissances occidentales, à affaiblir les capacités militaires de l'armée de Kadhafi. Près du tiers de celles-ci seraient anéanties, à en croire un représentant de l'Otan s'exprimant lors d'un point presse à Bruxelles.

Ainsi, depuis près de trois semaines, les interventions militaires des plus puissantes armées du monde n'ont pas fait taire l'artillerie des forces restées fidèles au dictateur libyen, ni à paralyser ses blindés. Elles ont en revanche, le 1er avril, ouvert le feu sur un convoi de véhicules d'insurgés circulant à l'est de Brega, dont une ambulance, tuant treize personnes. Mais elles n'hésitent pas à nier toute responsabilité dans le « malheureux accident », que les forces anti-Kadhafi auraient expliqué par un tir en l'air en signe d'allégresse, avant de parler de soldats pro-Kadhafi infiltrés...

Quoi qu'il en soit, une intervention militaire, fût-elle parée de discours sur la « protection des civils », est un acte de guerre contre un peuple et ne peut qu'ajouter des victimes aux milliers de morts déjà recensés depuis le début de la révolte, le 15 février dernier. D'autant plus que, derrière les déclarations des puissances occidentales sur la « nécessaire démocratisation » du pays, apparaissent bien vite leurs motivations profondes. Alors qu'un tanker, d'une capacité d'un million de barils, devait accoster à Tobrouk pour un premier chargement de pétrole assuré par les insurgés, un porte-parole de Catherine Ashton, chef de la diplomatie de l'Union européenne, se félicitait en ces termes : « Si les revenus (tirés du pétrole et du gaz) ne profitent pas au régime de Kadhafi, alors nous n'avons aucun problème avec les opérations commerciales concernant le pétrole et le gaz libyens. » Et en effet, au cours actuel du baril de pétrole, une cargaison d'environ 130 000 tonnes, valant environ 120 millions de dollars, a de quoi ouvrir bien des appétits.

S'assurer une mainmise sur les richesses libyennes, quelle que soit l'évolution du rapport de forces entre Kadhafi et les insurgés, est donc la préoccupation des grandes puissances. Mais même si les dirigeants impérialistes ont, dès le début des manifestations en Libye, pris position pour le départ du dictateur - qui n'a rien voulu entendre -, ils ne semblent pas disposés à favoriser inconditionnellement une victoire militaire des opposants. Et ceci faute d'avoir auparavant pu vérifier qu'il existe de leur côté une force organisée, une hiérarchie militaire, capable comme en Tunisie ou en Égypte d'assurer un encadrement sûr, prêt à tout, de la population.

D'ailleurs, parallèlement aux bombardements, les solutions « négociées » semblent elles aussi faire partie de l'éventail des possibilités étudiées par les Occidentaux pour sortir de ce début de bourbier libyen. Outre l'envoi d'agents de la CIA sur le terrain, les dirigeants impérialistes semblent continuer à utiliser les armes de la diplomatie traditionnelle, c'est-à-dire de la négociation avec les différentes forces en présence, y compris le clan Kadhafi : c'est ce que semblent confirmer les déclarations des fils du dictateur, qui se disent prêts à des élections ou à un référendum.

Car l'intervention des puissances impérialistes, quels que soient les discours, n'a nullement pour but de garantir la liberté du peuple libyen contre un dictateur qu'elles ont longtemps soutenu et armé, mais seulement de s'assurer de l'installation dans le pays d'un pouvoir favorable à leurs intérêts. Comme les autres interventions impérialistes, elle risque de ne déboucher que sur un chaos plus grand.

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