Leur société

« Judiciarisation » de la psychiatrie... et manque de personnel

Le 22 mars, l'Assemblée nationale a voté une série de modifications de la loi sur l'hospitalisation psychiatrique sous contrainte. Cette nouvelle loi fait pourtant la quasi-unanimité contre elle parmi les médecins psychiatres. Certains la dénoncent même comme « sécuritaire ».

Aux yeux du public, et notamment des familles ayant eu l'expérience de la difficulté à faire hospitaliser un malade mental contre sa volonté, en situation de danger et d'urgence, la loi semble apporter un espoir... sur le papier. La décision pourra être prise plus rapidement par les psychiatres, sans avoir besoin qu'un proche signe la demande et sans qu'il y ait eu un trouble à l'ordre public. Sur demande du Conseil constitutionnel, la loi a ajouté le contrôle a posteriori d'un juge des libertés, ce qui soulève la protestation des magistrats, déjà débordés.

Il demeure que, d'une part, ces décisions d'internement sont lourdes à prendre, d'autre part, médecins et familles se heurtent au manque de places disponibles dans les hôpitaux. Et ce ne sont pas les cinq nouvelles unités pour malades difficiles (UMD) promises par la loi qui compenseront tous les lits fermés depuis vingt ans dans les hôpitaux psychiatriques.

Après un assassinat commis par un malade mental en fuite fin 2008 - drame heureusement extrêmement rare - Sarkozy s'était fait fort de mieux réglementer juridiquement l'hospitalisation psychiatrique et notamment les sorties.

Désormais, le psychiatre qui autorise une sortie de l'hôpital devra programmer précisément par écrit le suivi (visites à domicile, traitement, consultations) que le malade sera légalement obligé de respecter. Ce document officiel sera à l'usage des directeurs d'hôpitaux, des préfets, des juges, des avocats, notamment en cas de procès, éventuellement pour se retourner contre le psychiatre et les soignants.

La « contrainte » ne s'appliquera plus seulement à l' « hospitalisation de malades atteints de troubles mentaux » mais, selon la nouvelle formulation de la loi, à des « personnes faisant l'objet de soins psychiatriques », « sans leur consentement ». C'est la porte ouverte à un élargissement de l'éventail de ceux qui pourraient ainsi perdre en partie la liberté.

De plus, l'application de la nouvelle loi suppose une multiplication des dossiers sortant de la confidentialité médicale pour devenir accessibles à l'administration, à la police, à la justice.

Reste à savoir dans quelle mesure cette loi s'accompagnera de modifications dans la pratique, alors qu'elle s'ajoutera à bien d'autres, déjà inapplicables. De fait, le suivi après hospitalisation, avec obligation de se soigner sous peine d'être à nouveau hospitalisé, se pratique déjà dans les hôpitaux. Cependant, il manque des effectifs de soignants pour les visites à domicile et l'accueil dans les structures externes à l'hôpital.

Comme l'avait déclaré Daniel Zagury, chef de service hospitalier et expert auprès de la justice pénale : « Quelque chose de grave peut se produire à n'importe quel moment compte tenu de la précarité de nos équipes et compte tenu du fait que les quelques soignants encore sur le terrain sont à bout de souffle ».

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