Dans le monde

Grande Bretagne : Offensive contre les chomeurs et demagogie antiouvriere

Dans son plan d'austérité du 20 octobre, le gouvernement de David Cameron était resté dans le flou quant à la façon dont il comptait réaliser ses économies budgétaires. Depuis, une avalanche de prétendues « réformes radicales » est venue préciser les choses. Mais pas sans problème, car les premières ont déclenché une levée de boucliers de la part des politiciens et de l'électorat aisé de la coalition au pouvoir.

Par exemple, l'annonce d'une réduction de l'allocation-logement que touchent plus de six millions de foyers a déclenché un tollé : de la part des politiciens municipaux liés au pouvoir, inquiets de voir exploser le nombre des sans-logis (qu'ils seraient légalement obligés de reloger) et de la part des nombreux petits propriétaires qui louent quelques logements à des familles modestes, et pour qui l'allocation-logement garantit le paiement de loyers scandaleusement élevés.

Du coup, tout en faisant quelques concessions aux contestataires, le gouvernement Cameron a contre-attaqué en flattant leurs préjugés sociaux par un durcissement de ton à l'encontre des catégories les plus pauvres de la population.

C'est dans ce contexte que le ministre des Affaires sociales, Iain Duncan-Smith, a annoncé son plan de refonte des allocations sociales, dont des projets de sanctions financières contre les chômeurs qui refuseraient des « périodes de travaux d'intérêt général » non payés, prétendument destinées à les rendre plus « employables ».

Ce qui a rendu cette dernière annonce particulièrement révoltante aux yeux des chômeurs - mais c'était justement là l'objectif de Duncan-Smith - c'est moins la mesure proposée que la façon dont elle a été présentée dans une campagne tonitruante orchestrée dans les médias.

Car ce type de travail gratuit et les sanctions financières qui vont avec existent en fait depuis leur introduction, en 1996, par un gouvernement conservateur. Par la suite, ce système est demeuré en place sous diverses formes, avant d'être étendu sous les gouvernements travaillistes. Le système actuel hérité du gouvernement Brown, connu sous le nom de New Deal Flexible, prévoit ainsi des périodes obligatoires de placement dans des organismes charitables ou publics. C'était d'ailleurs en partie par ces méthodes punitives que les Travaillistes avaient largement contribué à l'explosion du travail précaire.

Sur le plan des mesures, le gouvernement Cameron ne fait donc que reprendre ce qui existe déjà. En revanche, dans la forme, c'est une véritable provocation. En effet, la « période de travaux d'intérêt général » est la peine standard prononcée par les tribunaux britanniques à l'encontre des petits délinquants, afin de ne pas surcharger les prisons. Le choix des mots par Duncan-Smith n'a rien d'innocent : il s'agit de stigmatiser les chômeurs comme des délinquants, coupables de vivre en « parasites » du système et devant être traités comme tels. Et c'est bien ainsi que l'ont compris nombre de travailleurs scandalisés par cette campagne anti-chômeurs.

La réforme annoncée par Duncan-Smith, qui comporte la fusion des nombreuses allocations sociales existantes en une seule, administrée par l'État central, n'entrera en application que peu à peu à partir de la fin 2013 et elle mettra sans doute des années à se mettre en place, si toutefois elle va jusque-là, car sa mise en oeuvre coûtera des milliards. Mais le gouvernement a déjà tous les moyens à sa disposition, grâce à ses prédécesseurs travaillistes, pour mettre la pression sur les chômeurs. On peut en juger d'ailleurs par l'une des « nouvelles idées » des services de Duncan-Smith, elle aussi issue du gouvernement précédent, celle des « parcelles de travail » : des emplois bouche-trou de deux heures par semaine (les supermarchés en sont friands) que l'on obligerait les chômeurs à prendre, sous peine de perdre leurs allocations.

Cette offensive en règle contre les chômeurs, et qui fait suite à celle que les Travaillistes avaient engagée de longue date, répond au désir de la bourgeoisie anglaise de faire payer la crise à la classe ouvrière. Pour le reste, il est encore difficile de dire lesquelles des « réformes » annoncées seront réellement mises en oeuvre, car certaines ont déjà avorté avant même d'avoir vu le jour. Il en sera sans doute de même pour d'autres. La démagogie délibérément provocante du gouvernement a certainement aussi pour but de tester les réactions des travailleurs. Et c'est peut-être là son talon d'Achille car, à force de tirer sur la corde, il risque de la casser.

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