Niger : Coup d'État sur un gisement d'uranium24/02/20102010Journal/medias/journalnumero/images/2010/02/une2169.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Niger : Coup d'État sur un gisement d'uranium

Le 18 février, le président du Niger Mamadou Tandja a été renversé par une junte militaire dont le dirigeant, le chef d'escadron Salou Djibo, vient d'être investi du titre de président de la République... pour une période de transition, avant de nouvelles élections.

Le Niger en est ainsi à son énième coup d'État depuis l'accession à l'indépendance, en 1960, de cette ancienne colonie française. Son régime en est à sa VIe République.

Le président déchu, Tandja, avait tout fait pour s'accrocher au pouvoir, modifiant la Constitution du pays de façon à ce qu'elle l'autorise à prolonger exceptionnellement son mandat pour « achever les chantiers entrepris ». Et il a fait entériner ce putsch légal par un référendum selon lequel une majorité de votants lui aurait donné 92,50 % de oui. Mais, selon un opposant, la participation n'aurait pas atteint 7 % des électeurs...

Tandja aurait également multiplié les cadeaux divers (villas, voitures, etc.) aux chefs militaires pour se prémunir... mais pas suffisamment, comme on le constate.

La junte qui vient de prendre le pouvoir se déclare Conseil suprême pour le rétablissement de la démocratie (CSRD) et c'est sur ce vague programme qu'elle aurait, selon des observateurs, bénéficié de la bienveillante indifférence, voire d'un certain soutien de la population. Mais de toute évidence le principal n'est pas là : derrière cette agitation de clans putschistes, il y a la question de l'exploitation des ressources naturelles du pays.

Pour le moment, le principal « partenaire » du Niger est le trust nucléaire français Areva, qui bénéficie de la tutelle que l'État français exerce sur son ex-colonie et qui exploite depuis les années 1960 l'uranium du site minier d'Arlit (dans des conditions de pollution radioactive scandaleuses). Areva s'apprête à ouvrir en 2012 une nouvelle mine qui serait la seconde du monde et qui ferait du Niger le second producteur mondial d'uranium, alors qu'il est actuellement le troisième.

En 2006-2007, l'ex-président Tandja avait renégocié avec Areva pour obtenir de meilleures conditions, sinon pour son pays, du moins pour son régime. Il faut dire que les accords signés en 1961 assuraient à Areva un accès exclusif à l'uranium nigérien jusqu'en 2007, et à un prix n'atteignant même pas le quart des cours du marché international. La négociation avait duré des mois, deux représentants d'Areva avaient même été expulsés en 2007, Tandja les accusant de vouloir fomenter un coup d'État contre lui. Finalement tout ce petit monde s'est officiellement réconcilié, Areva obtenant un droit d'exploitation pour quarante ans, le Niger une augmentation de 50 % du prix de l'uranium et 33,35 % des parts de l'exploitation de la nouvelle mine d'Imouraren.

Tandja n'en avait pas moins introduit la concurrence sur ce marché, accordant à partir de 2006 plus d'une centaine de permis de recherche à des compagnies étrangères, essentiellement chinoises, canadiennes, sud-africaines, anglo-australiennes et même iraniennes. Ce qui n'était évidemment pour plaire ni à Areva, ni au gouvernement français.

Alors, si on ne peut affirmer qu'Areva est derrière le coup d'État, les putschistes ne pourront agir contre les intérêts de cette société, qui assure une part importante des ressources de l'État nigérien... et des prébendes pour les militaires qui se succèdent au pouvoir. Une autre chose est sûre : la population, une des plus pauvres du monde, n'a rien de bon à attendre de ces manoeuvres sur fond d'uranium.

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