Leur société

À Mayotte, Sarkozy tel qu'en lui-même

« Je veux rendre hommage à vos qualités professionnelles, vos compétences et aussi à votre courage », s'est exclamé Sarkozy lors de sa visite éclair le 18 janvier à Mayotte, île de l'océan Indien rattachée à la France. Ces propos élogieux ne s'adressaient pas à la population mahoraise mais à un parterre de policiers, gendarmes ou gardes-côtes chargés de la chasse aux clandestins.

Située à 70 kilomètres à peine des autres îles de l'archipel des Comores, Mayotte voit arriver chaque année des milliers de prétendus clandestins, dont beaucoup ont des liens familiaux avec les résidents mahorais. Ils arrivent en barque et finissent parfois la traversée à la nage. Une fois sur l'île de Mayotte ils vivent clandestinement, à la merci d'un contrôle, d'une interpellation. Or avant 1995, date à laquelle le gouvernement Balladur a instauré l'obligation d'un visa pour se rendre à Mayotte, la circulation entre les îles de l'archipel était possible, y compris vers cette île, dont la population avait choisi en 1974 de rester dans le giron de la République française. Depuis, les Comoriens sont devenus des clandestins, pourchassés comme tels.

Mayotte, avec une population inférieure à 200 000 habitants, a le triste privilège du record des expulsions. Celles-ci dépassent 16 000 par an en moyenne, dont deux à trois mille enfants. Pour les trois premiers trimestres de 2009, la préfecture a déjà annoncé 14 449 expulsions, dont 12 201 adultes et 2 248 enfants, laissant prévoir pour l'année en cours au moins 18 000 expulsions. Aujourd'hui, un Mahorais sur trois serait en situation irrégulière.

En fait, une partie des sommes promises par Sarkozy pour le développement de l'île seront allouées à la police, qui dispose désormais d'un hélicoptère, de trois radars et bientôt de quatre vedettes rapides, et qui a vu ses effectifs multipliés... par douze depuis 2002.

Mais le volet répressif de la politique de Sarkozy ne concernait pas seulement la chasse aux migrants. Il s'en est pris aussi aux pauvres qui, à la fin de l'année 2009, s'étaient révoltés contre la vie chère. Vis-à-vis d'eux il s'est montré menaçant, jugeant leurs protestations (leurs « exactions » a-t-il précisé) inadmissibles. « Quels que soient leur rang et leur responsabilité, a-t-il dit, ils seront recherchés et jugés. »

Haine nationale, haine de classe : c'est son programme électoral que Sarkozy est allé développer à Mayotte.

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