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Afghanistan : Des opposants armés sous les fenêtres de Karzaï

Lundi 18 janvier, le coeur de la capitale afghane, Kaboul, a été la cible d'une série d'attaques audacieuses de commandos armés à proximité de plusieurs ministères, de la banque centrale et d'un centre commercial. Des voitures piégées ont explosé et les combats de rue ont duré cinq heures. Pour le président Karzaï, qui réunissait ses nouveaux ministres pour leur faire prêter serment, c'est un camouflet qui souligne une fois de plus la faiblesse de son régime et un démenti à ceux qui, du côté des forces occupantes, prétendaient avoir sécurisé la capitale afghane.

Cette attaque est la plus importante depuis celle qui avait frappé, le 28 octobre dernier, un bâtiment de l'ONU. Selon un porte-parole des combattants, l'attaque visait le palais présidentiel et d'autres édifices publics. Même si elle n'a pas atteint ses objectifs, elle a montré que des opposants armés à un régime, pourtant soutenu par les grandes puissances occidentales, peuvent s'infiltrer au coeur d'une capitale qu'on dit placée sous « haute sécurité ». « Des dizaines de milliers de soldats américains et de l'OTAN sont envoyés en Afghanistan, et pourtant la sécurité se détériore dans la capitale », c'est ce qu'a pu constater un commerçant afghan, témoin de ces combats qui ont tué trois personnes du côté des forces de l'ordre et deux civils, et blessé 71 passants.

Cela n'empêche pourtant pas les porte-parole des forces d'occupation de continuer de prétendre que le déploiement des 37 000 soldats supplémentaires annoncés pour les mois prochains (30 000 soldats américains et 7 000 des autres pays de la coalition) qui s'ajouteront aux 106 000 soldats des forces d'occupation, aux 94 000 soldats afghans et aux 93 000 policiers, mettront fin au progrès de l'insurrection.

En réalité, plus l'occupation se poursuit, plus le camp des insurgés contre le régime Karzaï et les forces d'occupation s'élargit. En neuf ans d'occupation, malgré l'appui reçu des États les plus puissants de la planète, le régime Karzaï n'a pas été capable d'offrir une solution décente, y compris aux problèmes les plus élémentaires qui accablent la population, approvisionnement en eau et en électricité notamment. Quant à la démocratie promise, elle a été remplacée par un état de guerre permanent.

Dans ces conditions, l'attaque du 18 janvier a encore mis à mal la crédibilité du régime. Deux jours auparavant, le président afghan avait déjà eu bien du mal à faire accepter le choix de ses ministres par le parlement afghan, qui a recalé plus de la moitié de ceux qu'il avait choisis. Une seule femme a réussi à franchir ce barrage, la nouvelle ministre du Travail et des Affaires sociales.

De même, quelques jours auparavant, le président afghan avait fait approuver par les États-Unis un plan visant à réintégrer des insurgés repentis, après d'autres essais infructueux dans le passé. Le nouveau projet propose de la formation professionnelle, des incitations pour réintégrer la vie économique notamment dans le secteur agricole et une protection personnelle. La mesure pourrait aussi s'étendre à des communautés qui n'ont pas pris les armes contre le gouvernement afghan et les forces d'occupation.

Des membres du gouvernement ont déjà affiché leur scepticisme sur les chances de réussite de ce plan, salué sans enthousiasme par le représentant spécial des États-Unis en Afghanistan, Richard Holbrooke, comme une « initiative qui ne peut pas être pire que les précédentes ».

Si ce plan aboutissait au moins en partie, Karzaï estime qu'il serait en meilleure position pour imposer aux dirigeants des groupes de combattants de composer avec lui. Mais on voit mal pourquoi ceux-ci se soumettraient ainsi à un gouvernement dont l'autorité diminue un peu plus chaque jour, et que l'augmentation des effectifs des armées d'occupation est bien impuissante à restaurer.

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