Dans les entreprises

Renault - Douai (Nord) : capital temps collectif : Renault condamné, mais rien n'est réglé...

L'usine Renault de Douai, où 5 300 travailleurs produisent le Scénic, a connu de nombreux accords de flexibilité depuis juillet 1992, régulièrement signés par FO et la CGC, moins souvent par la CFDT. La CGT a toujours refusé de les signer, estimant à juste titre qu'ils présentaient un recul pour les conditions de vie et de travail des salariés en les rendant dépendants des fluctuations de la production.

La direction a largement exploité ces accords : des semaines harassantes avec des cadences toujours augmentées ont alterné avec des semaines non travaillées, sauf pour certains dont le travail était maintenu. Les emplois du temps changeaient, mais les cadences restaient au maximum. Si les salaires étaient à peu près maintenus, c'était en supprimant quand même des primes et des pauses, soit 200 euros de moins en moyenne pour une année.

Enfin, la direction avait institué un système de capital temps collectif (CTC). Lorsque le capital temps individuel était insuffisamment alimenté, ce CTC faisait l'avance au salarié des journées nécessaires, en attendant une régularisation. Ces compteurs temps n'étaient pas remis à zéro en fin d'année civile, contrairement à la loi, si bien que nombre d'entre nous se retrouvent après trois ans de ce régime à être « redevables » de 60 jours au patron, alors que d'autres ont des « compteurs » positifs parce qu'ils ont fait des heures supplémentaires !

En octobre 2008, la direction négociait un nouvel accord proposant aux travailleurs qui en faisaient la demande d'abonder les CTC avec des jours d'UPA (droit à congés de fin de carrière). Beaucoup l'ont fait, pensant ainsi rétablir leurs compteurs. Depuis quelques mois, un nouvel accord sur le chômage partiel est venu encore compliquer ce système : et on a vu des semaines avec des lundis en chômage partiel... mais des samedis travaillés en heures supplémentaires.

Certains syndicalistes, même parmi les signataires, l'avouent : une chatte n'y retrouverait pas ses petits. Chaque salarié finit par avoir ses compteurs, ses horaires particuliers. Le syndicat SUD, créé à Renault Douai en 2007, issu d'une scission de la CFDT, a tenté une action en justice. Le secrétaire de SUD s'est mis à dénoncer les accords qu'il avait lui-même signés en tant que secrétaire de la CFDT et a attaqué la direction en référé au tribunal d'instance de Douai, pour que les CTC soient remis à zéro au 31 décembre 2008, comme l'exige la loi. Il ne mettait en cause, selon lui, que les compteurs en négatif, comme c'était aussi le souhait de nombreux travailleurs qui en avaient assez de devoir des jours à la direction.

Or voilà que le tribunal a rendu son jugement le 6 octobre, Renault Douai étant condamné à remettre à zéro les CTC au 31 décembre 2008, avec une astreinte de 1 000 euros par travailleur et par jour s'il ne s'exécutait pas dans les trois jours. La direction a mobilisé tous ses moyens, tracts, chefs, syndicats FO et CGC, pour annoncer que les compteurs positifs seraient aussi remis à zéro, que le jugement l'y obligeait, que les jours d'UPA sacrifiés par beaucoup seraient perdus. Et de faire aussi courir le bruit qu'elle allait devoir en venir au chômage technique avec pertes de salaire.

Tout cela s'est évidemment retourné contre le syndicat SUD, dont les délégués ont été très mal accueillis dans certains ateliers. Le 13 octobre, FO et CGC ont même appelé, sans grand succès il est vrai, à débrayer pour un rassemblement devant le local du Comité d'entreprise pour « faire grève contre un mauvais jugement », « pour la sauvegarde de notre flexibilité, la sauvegarde de nos emplois, la pérennité de l'usine » : en réalité, pour soutenir la direction. Dans les ateliers, les délégués FO appelaient à cesser le travail, ce qu'ils font très rarement... Une bonne partie des chefs appelaient aussi à débrayer, du jamais vu !

De nombreux travailleurs pensent et disent que la logique serait d'obtenir de la direction que les compteurs en négatif soient rayés et que les compteurs en positif soient payés. Mais pour imposer cela, une action décidée de l'ensemble des travailleurs serait plus efficace qu'un recours aux jugements tortueux d'un tribunal.

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