Michelin - Clermont-Ferrand - Des milliers de travailleurs sacrifiés sur l'autel des profits27/06/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/06/une2134.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Michelin - Clermont-Ferrand - Des milliers de travailleurs sacrifiés sur l'autel des profits

Il y a à peine un mois, lors de l'assemblée générale des actionnaires, venus se partager 145 millions d'euros de dividendes, Rollier, le patron du groupe Michelin, affirmait qu'il n'y avait pas de plan social prévu. Pourtant il annonçait, mercredi 17 juin, un véritable plan de suppression d'emplois en France d'ici 2011.

Dans sa présentation aux salariés et à la presse, le géant du pneumatique présente son plan comme un « renforcement de ses activités de recherche et la spécialisation de ses sites de production ». Il met en avant les 100 millions d'euros qu'il investirait sur le centre de recherche de Ladoux à côté de Clermont-Ferrand.

Il affirme que ce plan s'accompagnera de l'embauche de 500 personnes par an dans les trois années qui viennent. Et, au détour d'une phrase, il évoque les 1 093 salariés des trois sites les plus touchés par cette « réorganisation » : Noyelles, près de Lille, Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) et Joué-lès-Tours.

La réalité est tout autre. Michelin prévoit de ramener les effectifs sur l'ensemble des usines en France à 20 400, voire 19 200 emplois d'ici fin 2011, alors qu'il y avait 22 800 salariés fin 2008. Cela correspond à une suppression de 2 400 à 3 600 emplois ! Mais le nombre de travailleurs qui seront poussés dehors sera même plus important, puisque cette « fourchette » tient compte des 500 embauches par an.

On ne peut pas oublier, non plus, que des centaines de CDD et d'intérimaires ont été renvoyés ces derniers mois. Ce sont aussi des fermetures en cours aux États-Unis (mille emplois en Alabama) et en Italie, avec 700 emplois supprimés à Turin.

Alors, ce ne sont pas les départs anticipés en retraite et les « départs volontaires » qui suffiront à atteindre les objectifs de Michelin. Patron et ministres ont beau répéter qu'il n'y aura pas de licenciements, qui peut les croire ?

Dans une interview au journal La Montagne, Rollier prétend que ces fermetures d'ateliers et même d'usines entières et toutes ces suppressions d'emplois n'ont rien à voir avec la crise. C'est vrai que les suppressions d'emplois ont commencé chez Michelin, comme dans bien d'autres entreprises, avant la crise. Mais qu'est-ce que cela change pour les travailleurs concernés ?

« La crise, nous la gérons pratiquement en temps réel avec des mesures de crise, notamment avec le chômage partiel », dit Rollier. Ainsi, à Vannes, plus de la moitié de l'usine est à l'arrêt depuis début mai. Mais récemment la direction a appelé chez eux tous les salariés qui étaient en chômage partiel, pour les prévenir qu'en juillet il faudrait venir travailler les samedis !

Le chômage partiel touche tous les sites. De l'aveu même de la direction, cela a concerné 4 000 travailleurs.

Toujours plus de profits

Rollier affirme que « le plan (...) vise à restaurer notre compétitivité ». En effet, ces licenciements doivent permettre d'atteindre l'objectif fixé en 2005 pour 2010 : 30 % de gain de productivité !

Il respecte ses promesses faites aux actionnaires. Lors du salon de l'Auto, il avait déclaré : « Il n'y a pas de raison que les actionnaires soient privés de dividendes au titre de l'exercice en cours. » Eh bien, les actionnaires se sont partagé cette année 145 millions d'euros de dividendes. Une somme qui représente 41 % des bénéfices de 2008, contre 30 % l'année précédente. En cinq ans, ils auront ainsi empoché un milliard d'euros.

Et comme on n'est jamais si bien servi que par soi-même, Rollier s'est octroyé plus de 10 millions d'euros en trois ans.

Quant au groupe Michelin, il a accumulé 5 milliards de bénéfices ces dernières années. Il aurait donc la possibilité de maintenir tous les emplois !

De son côté, le gouvernement soutient la propagande de Michelin. Tour à tour Brice Hortefeux et Laurent Wauquiez, élus locaux en Auvergne, ainsi que Christine Lagarde y sont allés de leur couplet : « Il ne s'agit pas de licenciements, il s'agit de départs volontaires qui sont encouragés », « Michelin met tout en place pour que cela se passe le mieux possible », « Le gouvernement va se mobiliser pour éviter que qui que ce soit reste sur le bord de la route »...

Sauf que les mêmes balivernes on les a entendues, il y a deux ans, au moment de l'annonce de la fermeture de l'usine Kléber à Toul. Plus de six mois après la fermeture de l'usine, des centaines de travailleurs n'ont toujours pas retrouvé un emploi !

Les premières réactions

À Montceau, dès jeudi 10 juin, la colère a éclaté suite à l'annonce de 477 suppressions de postes sur les 1 400, soit le tiers de l'effectif. La grève a démarré et un piquet s'est mis en place devant l'usine. Les dirigeants ont été accueillis par des huées et des jets de tomates et d'oeufs. La direction a réussi à faire la quasi-unanimité contre elle puisque, si les plus jeunes ont bien compris qu'ils seraient les premiers à être mutés ou licenciés, beaucoup d'anciens qui sont usés par le travail à l'usine ont découvert que les conditions pour le départ anticipé ne leur permettaient pas de partir ! Alors il n'est pas étonnant que plusieurs cars aient été prévus pour faire le déplacement à Clermont-Ferrand mercredi 24, jour du Comité central d'entreprise.

À l'usine de Noyelles (près de Lille), 276 salariés, dont Michelin a annoncé la fermeture, la colère a éclaté aussi. D'autant plus qu'en début d'année, la direction assurait que le site ne serait pas fermé !

Il leur a été promis des reclassements, notamment à l'usine SODG de Clermont-Ferrand où sera déménagée une partie des machines. Mais, en admettant qu'il y ait des possibilités de mutations, combien pourront changer de région ?

Or de son côté la direction de SODG affirme que l'effectif va rester quasiment stable, mais devra fournir près de 25 % de production en plus. Alors, non seulement il n'est pas prévu de places pour tout le monde, mais chacun s'attend à une augmentation des cadences importante et à des pressions de la hiérarchie.

À Lille, à Montceau, les travailleurs ne comptent pas se laisser faire, et certains pensent à la lutte de Continental à Clairoix.

Mercredi 24 juin, un appel intersyndical à la grève était lancé et un rassemblement était prévu à Clermont-Ferrand à midi, place des Carmes, pour exprimer tous ensemble notre colère.

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