Editorial

Vive la lutte des travailleurs de Guadeloupe et de Martinique !

Les travailleurs de Guadeloupe entament leur cinquième semaine de grève générale. Ils ont été rejoints par leurs camarades de Martinique.

Jégo, le ministricule chargé de l'Outre-mer, qui, après avoir promis dans les négociations des augmentations de salaire, s'est dédit ensuite lamentablement, hausse aujourd'hui le ton. Il retrouve le langage habituel du patronat et du gouvernement sur ces grévistes qui « prennent la population en otage ». Dans cette situation, l'argument n'est pas seulement choquant, il est ridicule. La grève bénéficie du soutien de la quasi-totalité de la population, une minorité de profiteurs mis à part. Des manifestations de 20 000, 30 000, voire 60 000 personnes se succèdent dans une Guadeloupe qui compte 450 000 habitants !

Les grévistes bénéficient de l'accord profond de tous, car tous souffrent des prix élevés. Les prix, y compris ceux de la nourriture ou des produits les plus indispensables, sont supérieurs de 20 % à 50 % à ceux du continent où, pourtant, ils augmentent déjà de façon intolérable. Les responsables en sont identifiables. La plupart des grandes surfaces, l'industrie alimentaire locale, l'import-export sont entre les mains d'une douzaine de grandes familles qui sont en situation de monopole et qui rackettent littéralement la population avec la bénédiction des autorités étatiques. Ce sont les mêmes qui possèdent une grande partie des terres et qui, après s'être enrichies dans la production de la canne à sucre, continuent à s'enrichir avec celle de la banane.

Pour la plupart, ce sont des békés, c'est-à-dire ces descendants des anciens maîtres d'esclaves qui vivent dans un luxe inouï, dominent la vie sociale et qui ont des amitiés jusqu'aux sommets de l'État français.

Si la grève porte sur des revendications matérielles et, avant tout, sur une augmentation de salaire de 200 euros en Guadeloupe et de 300 euros en Martinique, c'est aussi une grève pour la dignité, dans cette société antillaise où les femmes et les hommes qui sont d'origine africaine ou indienne constituent la partie la plus pauvre de la population : ouvriers, employés, chômeurs. En revanche, plus on monte dans l'échelle des richesses ou dans l'administration étatique, plus les places sont occupées par la minorité d'origine européenne.

Si cette lutte pour la dignité représente un aspect, ô combien légitime, de la lutte qui se déroule là-bas, ceux qui insistent sur les seuls aspects spécifiquement guadeloupéens ou martiniquais du mouvement en diminuent l'importance et la signification. Même la responsabilité des hausses de prix n'incombe pas aux seuls békés. À côté d'eux, au-dessus d'eux, il y a les grandes sociétés européennes ou françaises, parmi lesquelles Total. Cette entreprise, la plus riche et la plus puissante de France, contrôle totalement l'approvisionnement en pétrole des Antilles par l'intermédiaire d'une filiale. Or, rappelons-le, ce sont les prix du carburant qui ont été l'étincelle qui a allumé l'incendie social.

Alors, la lutte des travailleurs et de la population contre les hausses de prix, c'est aussi la lutte contre ces grandes entreprises françaises qui les volent et qui les exploitent, mais qui nous volent et qui nous exploitent aussi ici.

Et puis, une minorité qui pille et exploite la majorité, c'est la Guadeloupe, c'est la Martinique, certes, mais c'est aussi la France continentale. Bien sûr, sur le continent, il n'y a pas le poids d'un passé esclavagiste ! Et le luxe des grandes fortunes de France est plus caché encore que celui des békés. Malgré sa fortune de 300 millions d'euros, la plus riche famille béké n'arrive qu'à la 136e place, bien loin des Bettencourt, Arnault, Pinault, Dassault, Lagardère, Bouygues, Bolloré, etc., qui exercent un pouvoir plus grand encore sur la société, sur l'État.

Les travailleurs de Guadeloupe et de Martinique ne montrent pas seulement l'exemple aux autres départements d'outre-mer. Ils le montrent à tous les travailleurs.

L'augmentation des salaires, l'arrêt des hausses de prix, pour lesquels ils se battent, concernent tous les travailleurs. C'est une partie de nous-mêmes qui a choisi la lutte et qui nous montre la voie. Il est de notre intérêt à tous, travailleurs de là-bas et ceux d'ici, que la lutte se propage à l'échelle de l'ensemble de la classe ouvrière car, alors, nous multiplierons nos chances de changer le rapport de force entre exploiteurs et exploités.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 16 février

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