Centrales nucléaires EPR : L'argent passe avant l'uranium18/02/20092009Journal/medias/journalnumero/images/2009/02/une2116.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Centrales nucléaires EPR : L'argent passe avant l'uranium

Les futurs réacteurs nucléaires EPR (European pressurised water reactor) qui, comme leur nom anglais ne l'indique pas, sont d'une conception franco-allemande (Areva et Siemens) ne cessent de défrayer la chronique avant même d'être construits.

Au départ, déjà, le choix de l'EPR avait été controversé chez les chercheurs. L'EPR, dit réacteur de troisième génération, n'est en réalité que le modèle précédent amélioré, avec - dit-on - plus de rendement et de sécurité (sous réserve que cela fonctionne !). Ce n'est donc que la deuxième génération et demie. La vraie nouveauté, les chercheurs travaillaient à la mettre au point. Il leur manquait, disaient-ils, quelques années.

Seulement Areva et EDF ont mis le frein question recherche, alors qu'il n'y avait pas urgence. Ou plutôt s'il y avait urgence, elle était financière. En compétition avec l'américain Westinghouse (un peu comme Airbus contre Boeing), il s'agissait de se positionner rapidement sur les futurs et plein d'espérances marchés chinois, britannique, américain, sud-africain et autres et d'avoir rapidement un premier exemplaire à montrer.

D'où la décision de faire très vite un EPR, et ce fut en Finlande puisque ce pays était candidat pour la construction d'une nouvelle centrale nucléaire. Cependant le chantier a déjà pris trois ans de retard et la dépense prévue a augmenté de 50 % par rapport au devis initial. Manifestement Areva et EDF ont vendu à la Finlande quelque chose qui n'était pas au point. Et de prétendre que c'est de la faute des sous-traitants, de problèmes administratifs, des inévitables déboires de ceux qui essuient les plâtres, etc.

Oui mais voilà, c'est en train de recommencer avec l'EPR en construction en France cette fois, à Flamanville. Pour celui-là aussi il y a dépassement des délais et du devis.

La sagesse aurait voulu qu'on attende un peu pour tirer le bilan de ce qui ne va pas. Mais non, la spéculation sur le futur marché du nucléaire ne souffre pas de délais. D'où la décision de construire un troisième EPR, à Penly. Et pour ce dernier, une innovation, il y aura la participation de GDF-Suez.

C'était bien la peine de séparer EDF et GDF pour retrouver ces deux firmes ensemble. Oui, mais entre temps, GDF, dont l'État a fait cadeau à Suez, est devenu une entreprise privée. Et donc le privé accède, pour la première fois en France, au nucléaire.

Or en ce moment EDF et GDF-Suez sont des concurrents féroces et des adversaires acharnés, alors est-il judicieux de les associer ? Déjà qu'EDF et Areva ne s'en sortent pas avec leurs deux premiers EPR, on ne sait pas si c'est en leur donnant Suez comme partenaire que ça ira mieux ! On n'a pas fini de s'étriper à la direction du troisième EPR...

Mais Sarkozy veut faire plaisir à Suez et il est déjà question que l'EPR suivant soit construit, cette fois, non par EDF mais par GDF-Suez, avec peut-être une participation de Total.

Cela ajoute encore à l'absurdité de la situation économique : ainsi lorsque EDF et Areva seront arrivés à fabriquer ce type de centrale, on leur demandera de passer la main à d'autres !

Ce qui prime dans tout ce micmac, ce sont les aspects financiers, le désir de satisfaire le secteur privé qui devrait (si tout se passe bien) profiter des retombées des travaux du secteur public. Les intérêts des consommateurs et du personnel passent loin derrière.

Une conséquence est que les tarifs de l'électricité risquent d'augmenter très rapidement alors que l'EPR est censé les faire diminuer. Les seuls qui gagneront à l'affaire, ce seront les financiers, les trusts, les bétonneurs... qui tablent sur une durée de vie très longue pour les retours sur investissements.

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