Obama élu, Bush désavoué, les travailleurs devront forcer les capitalistes à payer la crise05/11/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/11/une2101.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Obama élu, Bush désavoué, les travailleurs devront forcer les capitalistes à payer la crise

Ainsi donc, c'est Barack Obama qui a remporté l'élection présidentielle américaine, et de loin. Les commentateurs, même ici en France, ne cessent de répéter que l'événement est historique. Pour une fois, ils sont au diapason avec les réactions d'enthousiasme et d'espoir rapportées d'Amérique par les médias.

Et on comprend pourquoi l'élection à la tête de l'État du candidat du Parti Démocrate, métis de père africain, est ressentie comme une victoire par les Noirs américains, mais aussi par ceux d'origine hispanique ou indienne qui se sentent opprimés ou exclus dans ce pays où l'esclavage des Noirs n'a été aboli qu'en 1865, à la suite d'une guerre civile sanglante et où, il y a une quarantaine d'années encore, la ségrégation raciale était officielle dans plusieurs États.

On peut comprendre aussi pourquoi, après les années Bush, celles des guerres d'Irak et d'Afghanistan, celle de la crise économique, rien que ce changement-là puisse passer, aux yeux d'une majorité de l'électorat, toutes origines confondues, pour une promesse de changement dans bien d'autres domaines. Obama n'avait pas besoin de promettre - et, d'ailleurs, il s'est bien gardé de faire des promesses concrètes -, c'est sa personne elle-même qui passe pour une promesse.

On peut éprouver une certaine satisfaction à l'élection d'Obama car elle signifie l'échec du camp qu'incarnait le duo McCain et sa très réactionnaire colistière Palin, le camp du conservatisme social et de la bigoterie affichée. C'est le désaveu de Bush et de sa politique. Et la victoire massive d'Obama est, aussi, le signe que ce ne sont pas les « beaufs » version américaine avec leurs préjugés racistes qui dominent l'électorat.

Mais la satisfaction s'arrête là. Contrairement à son slogan électoral qui promet le changement, Obama gouvernera, comme tous ses prédécesseurs, en fonction des intérêts de la grande bourgeoisie américaine. Comment imaginer que la puissante bourgeoisie américaine qui domine non seulement les États-Unis mais aussi, à certains égards, le monde entier, puisse jouer la défense de ses intérêts politiques sur les aléas d'une élection ?

Pour être désignés comme les candidats officiels des deux seuls partis dont sont issus les élus, McCain et Obama ont dû se faire accepter par la classe dominante à travers une multitude de filtres d'élections diverses. Et il fallait surtout avoir de l'argent, beaucoup d'argent, pour mener campagne à l'échelle de cet immense pays, se payer des pages dans la grande presse, des heures d'émissions à la télévision et la radio.

Pour être sûre de gagner à tous les coups, la bourgeoisie a financé les deux rivaux. Mais Obama a récolté bien plus d'argent encore que son concurrent. À sa façon, la bourgeoisie américaine a voté, avant même le scrutin, avec des billets verts en guise de bulletins de vote. La chose est habituelle, et pas seulement aux États-Unis, mais jamais les sommes en jeu n'ont été aussi gigantesques.

Si les grandes banques de Wall Street ont financé massivement Obama, ce n'est pas seulement parce qu'elles ne le craignent pas. C'est aussi en raison du crédit dont il bénéficie en particulier dans la partie de la population durement frappée par la crise financière, qu'il vaut mieux bercer d'illusions et endormir avec des paroles doucereuses. Et Obama est plus à même de faire passer des mesures d'austérité que ne l'était Bush.

La crise de l'économie capitaliste a déjà durement frappé les classes populaires de ce pays. Deux millions de personnes, et sans doute plus, incapables de payer les remboursements de leurs logements aux banques, qui sont jetées à la rue. D'autres, ou les mêmes, qui ont cotisé toute leur vie durant à des caisses de retraite privées menacées aujourd'hui de faillite, n'auront rien sur leurs vieux jours. Et les entreprises réduisent leurs effectifs les unes après les autres ou ferment leurs usines, alors que les reportages télévisés ont montré des quartiers populaires dans les villes industrielles où le chômage dépasse déjà les 50 %.

Dans cette Amérique, le pays le plus riche du monde capitaliste, une partie des classes populaires est poussée vers une misère aussi effroyable que dans bien des pays pauvres. Malgré les espoirs diffus qu'il suscite aujourd'hui, Obama ne les protégera pas demain. Alors qu'il n'était encore que candidat, il a apporté, avec McCain, son soutien au plan du président en place, Bush, qui a accordé, comme Sarkozy ici, plusieurs centaines de milliards pour sauver les banques et les banquiers de la crise qu'ils ont eux-mêmes provoquée, sans accorder un seul centime à ceux qui sont expulsés de leur logement, ni même un moratoire sur leurs dettes.

Aux États-Unis, comme ici en France, protéger les classes populaires de la crise n'est possible qu'en s'en prenant à la classe capitaliste qui en est responsable, à sa fortune accumulée. Obama ne le fera pas, et il n'a jamais dit qu'il le ferait.

Ce que l'on peut souhaiter de mieux à la classe ouvrière américaine, c'est que, quel qu'ait été son vote, elle ne se fasse pas trop d'illusions sur le président élu, même et surtout s'il promet le changement. « Il n'y a pas de sauveur suprême », cette phrase de l'Internationale sonne aussi juste pour les travailleurs d'Amérique que pour ceux de partout. Et, rappelons-le, la génération qui a subi la plus grande crise du passé, celle commencée en 1929, a été aussi celle qui a su réagir et mener les plus grandes luttes grévistes que le mouvement ouvrier américain ait jamais menées.

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