Editorial

Français ou immigrés, nous sommes la même classe des travailleurs

Le centre de rétention de Vincennes a été complètement détruit par un incendie, dimanche 22 juin. Le feu a été manifestement allumé par des détenus qui voulaient protester ainsi contre la mort d'un des leurs dans des conditions suspectes. La police parle d'une mort par crise cardiaque, mais les détenus mettent en cause les conditions de détention, l'absence d'encadrement médical ainsi que le retard d'intervention des secours.

Les centres de rétention sont les lieux où sont enfermés avant leur expulsion les sans-papiers ramassés par la police au hasard de ses contrôles.

Ce fait divers dramatique intervient à un moment où, depuis plusieurs semaines, des sans-papiers travaillant dans la restauration, le bâtiment ou les entreprises de nettoyage sont en grève pour obtenir leur régularisation.

C'est aussi au moment où Hortefeux, ministre de « l'Immigration et de l'Identité nationale », vient d'annoncer glorieusement que les expulsions de sans-papiers ont augmenté de 80 % grâce à sa politique de fermeté et que, selon son expression cynique, l'immigration familiale « mieux maîtrisée » a diminué de manière drastique le nombre de regroupements familiaux. En clair, qu'il a réussi à rendre plus difficile pour sa famille de rejoindre le travailleur immigré vivant en France. Autre mesure abjecte : interdire, de fait, la régularisation de la situation de sans-papiers qui ont des enfants français car nés en France.

Ceux qui nous gouvernent savent parfaitement que lesdits « sans-papiers », qu'ils essaient de criminaliser, travaillent, paient leurs cotisations sociales et leurs impôts, ne serait-ce que la TVA et autres impôts indirects que paient même ceux dont les salaires sont très bas. Nombre d'entre eux sont en France depuis des années, ayant même eu pour certains des cartes de séjour avant que de nouvelles lois de plus en plus réactionnaires les transforment en sans-papiers. Hortefeux sait tellement tout cela qu'une des initiatives dont il est fier est d'avoir renforcé les contrôles sur les lieux de travail.

Nos gouvernants savent que l'existence d'une catégorie de travailleurs taillables et corvéables à merci arrange bien les affaires des patrons, en particulier dans les secteurs où les salaires sont minables et les conditions de travail difficiles.

Mais justement, toutes ces lois réactionnaires et la chasse aux sans-papiers visent à rendre la situation de ceux-ci de plus en plus fragile. Et par là même, à rendre plus fragile aussi la situation de tous les travailleurs immigrés. Rendre de plus en plus difficile l'immigration familiale vise d'ailleurs directement les travailleurs immigrés en situation légale.

La chasse aux sans-papiers et, plus généralement, la succession de mesures contre les travailleurs immigrés constituent une politique inhumaine et réactionnaire qui d'ailleurs, contrairement aux vantardises de Horteteux, n'empêche pas l'immigration. Les sans-papiers expulsés font tout pour revenir, tant que perdurent la pauvreté là-bas et l'espoir de trouver du travail ici, fût-il mal payé et difficile.

Les lois contre les immigrés n'arrêtent pas l'immigration mais rendent leur vie plus dure encore. Elles font partie de toutes les attaques visant la classe ouvrière. Dès lors qu'on affaiblit une catégorie de travailleurs, on affaiblit l'ensemble du monde du travail.

Il faut soutenir le combat des sans-papiers pour la régularisation de leur situation. C'est plus qu'une simple question de solidarité. Travailleurs avec une carte d'identité française et travailleurs immigrés avec ou sans papiers, nous sommes une seule et même classe sociale, celle qui produit l'essentiel des biens matériels, celle qui fait tourner l'économie et celle, aussi, dont l'exploitation assure les profits des entreprises et l'enrichissement de la bourgeoisie.

Lorsque viendront les grandes luttes sociales pour faire reculer le grand patronat sur les salaires ou sur l'emploi, pour faire reculer le gouvernement sur ses mesures antiouvrières, nous nous retrouverons côte à côte dans le même combat.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 23 juin

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