Il y a 80 ans : Staline livrait les communistes chinois à leurs bourreaux, et réprimait l'Opposition communiste en URSS.27/12/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/12/une2056.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Il y a 80 ans : Staline livrait les communistes chinois à leurs bourreaux, et réprimait l'Opposition communiste en URSS.

Le mois de décembre 1927 fut marqué par deux événements étroitement liés, catastrophiques pour l'avenir du mouvement communiste et ouvrier international. D'une part, l'écrasement du dernier soubresaut de la révolution chinoise, tandis qu'en URSS, Staline et les siens excluaient du Parti Communiste des anciens compagnons de Lénine, Trotsky en tête, qui combattaient le cours stalinien, expression politique d'une bureaucratie ayant chassé la classe ouvrière du pouvoir.

Le massacre à Canton de milliers d'ouvriers et de communistes chinois par les hommes du Kuomintang fut l'acte final d'une révolution chinoise qui fut sabotée, livrée à ses bourreaux par la direction stalinienne de l'Internationale communiste.

La fraction stalinienne, qui avait commencé à s'emparer de la direction du PC soviétique dès 1923, en profitant notamment de ce que la maladie qui allait bientôt l'emporter tenait Lénine écarté de la direction du pays et du parti, avait besoin, pour établir définitivement son pouvoir, d'écarter deux obstacles également mortels pour elle : la vieille garde bolchevique, restée fidèle aux idéaux de la révolution d'Octobre 1917, et tout risque de victoire d'une nouvelle révolution prolétarienne. Une telle victoire, hors d'URSS, aurait pu en effet redonner espoir à l'avant-garde ouvrière soviétique alors que, dix ans à peine après la révolution de 1917, c'est précisément l'isolement de l'URSS, ajouté au poids de l'arriération d'un pays à peine sorti d'une terrible guerre civile, qui avait permis à la bureaucratie de saisir les rênes de l'État et du parti.

La révolution chinoise étranglée.

Bien que démontrant le caractère criminel de la politique stalinienne qui avait mené les ouvriers et communistes de Shanghaï et Canton au massacre, leur défaite allait renforcer Staline au détriment de ceux, Trotsky en tête, qui avaient, dès le début, dénoncé cette politique et qui ne voulaient et ne pouvaient s'appuyer que sur les luttes du prolétariat mondial.

Depuis le début des années vingt, à la suite de la révolution russe, une vague révolutionnaire avait soulevé la Chine. Encore plus arriéré que la Russie, ce pays semi-colonisé maintenait dans les campagnes, où se trouvait l'immense majorité de sa population, des structures quasi féodales. Dans les villes, il existait une classe ouvrière, surexploitée tant par les nantis locaux que par les nombreuses entreprises occidentales dont la bourgeoisie chinoise n'était souvent qu'une intermédiaire. Bien que relativement peu nombreux avec deux millions de membres, ce jeune prolétariat, qui ne cessait de se développer, apparaissait comme la force motrice de la révolution chinoise.

Le Parti Communiste Chinois (PCC) n'était à sa naissance en 1921 qu'un tout petit groupe d'intellectuels. Début 1925, il ne regroupait encore que 900 militants. À la fin de la même année, il comptait 20 000 membres, de nombreux travailleurs l'ayant rejoint.

Manifestations, grèves et occupations de terres culminèrent en 1925-1927. Les ouvriers et les paysans mettaient de plus en plus leurs espoirs dans une révolution sociale qui, balayant les classes possédantes, aurait mis fin à leur oppression séculaire.

Cependant, Staline n'avait nulle envie de voir triompher une révolution prolétarienne en Chine. Les dirigeants du Komintern (l'Internationale communiste) dictèrent au jeune PCC une stratégie qui voyait dans la révolution qui montait une révolution bourgeoise devant être dirigée par des révolutionnaires bourgeois. Ils imposèrent aux membres du PCC de rester dans le parti de la bourgeoisie chinoise, le Kuomintang, et d'en soutenir la politique.

Or si ce parti nationaliste bourgeois, dont un des dirigeants était Chang Kaï-chek, souhaitait s'emparer du pouvoir, il ne voulait en aucun cas permettre aux masses ouvrières et paysannes de prendre en mains leur propre sort. Ainsi, Chang Kaï-chek sut s'appuyer sur les masses tant qu'elles ne le menaçaient pas, il accepta bien sûr que " les communistes (fassent) un travail de coolies pour le Kuomintang ".

Au printemps 1927, cependant, à Shanghaï, Chang Kaï-chek montra son vrai visage. Ce fut un bain de sang : des dizaines de milliers d'ouvriers révolutionnaires et de communistes chinois furent arrêtés, torturés, jetés vivants dans les chaudières des locomotives. Le Kuomintang et la bourgeoisie voulaient vider de son sang le jeune prolétariat révolutionnaire. " Depuis quatre mois, sur tout le territoire contrôlé par Chang Kaï-chek, on assiste à un massacre systématique " écrivait, le 20 août 1927, le China Weekly Review, un journal de langue anglaise paraissant en Chine.

La révolution chinoise et l'opposition antistalinienne en URSS.

En URSS, deux années d'intense activité révolutionnaire du prolétariat chinois avaient redonné espoir et énergie combative à certains travailleurs. Et cela s'exprimait notamment dans le fait que l'Opposition unifiée au stalinisme, dirigée par Trotsky et Zinoviev, recevait de nouvelles marques de sympathie, des soutiens nouveaux, dans les usines, les quartiers ouvriers.

Malgré la censure dont étaient victimes les idées de l'Opposition, malgré la mise à l'écart de ses dirigeants (Trotsky, Zinoviev et Kamenev avaient été évincés du Bureau politique par Staline, fin 1926), malgré les bandes de voyous staliniens cherchant à disperser leurs réunions, les dirigeants de l'Opposition rassemblaient parfois des milliers d'auditeurs. Ainsi, le 17 octobre, lors d'une manifestation officielle à Léningrad, Trotsky et Zinoviev, bien qu'écartés de la tribune, avaient été ovationnés par une foule d'ouvriers.

La semaine suivante, Staline les fit exclure du Comité central. Mais, à l'occasion du dixième anniversaire d'Octobre, et du quinzième congrès du parti qui devait suivre, les dirigeants de l'Opposition étaient bien décidés à se faire entendre, à dénoncer devant le parti la trahison de la révolution chinoise dont s'était rendue coupable la direction stalinienne.

Craignant l'écho que pourraient avoir dans le parti et l'Internationale les critiques de Trotsky, Staline fit tout pour museler l'Opposition. Prenant prétexte qu'elle avait manifesté à l'occasion du dixième anniversaire d'Octobre, Staline fit exclure Trotsky et Zinoviev du parti. Il fit arrêter plusieurs oppositionnels en vue, il interdit que l'on publiât la plate-forme de l'Opposition pour le congrès. Dans le même temps, pour faire croire que, quoi qu'en dise l'Opposition, le prolétariat chinois n'était pas vaincu, le Komintern stalinien lança le PCC dans une aventure putschiste vouée à l'échec : la prise du pouvoir à Canton, le 11 décembre 1927. Cette " Commune de Canton " se termina, deux jours plus tard, par le massacre de plusieurs milliers d'ouvriers et de communistes chinois.

Il fallait cela à Staline pour couvrir d'un silence de plomb les critiques de l'Opposition communiste en URSS, et préparer la déportation (dès janvier 1928) de ceux qui, comme Trotsky et ses camarades, refusèrent de se renier en capitulant " devant le monde entier ", comme l'exigea Staline.

Certains - Zinoviev, Kamenev - notamment cédèrent alors à Staline, une voie qui allait les emporter toujours plus loin dans le reniement de leurs idées. D'autres, autour de Trotsky, allaient payer de leur liberté, puis de leur vie, d'avoir défendu le drapeau du léninisme.

Ce fut cette politique, qui avait été celle de l'Internationale communiste à ses débuts, du temps de Lénine, et avec laquelle avait rompu le stalinisme, que Trotsky incarna jusqu'à son assassinat en 1940. Les dizaines de milliers de martyrs ouvriers et communistes de Shangaï et Canton auraient doublement péri pour rien si, aujourd'hui, il n'y avait plus personne pour se souvenir de ces leçons du passé, de la nécessité de l'indépendance politique et organisationnelle du prolétariat.

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