Municipales 2008 : Un tournant politique que rien ne justifie13/12/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/12/une2054.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Municipales 2008 : Un tournant politique que rien ne justifie

Le congrès de Lutte Ouvrière a statué, entre autres, sur les orientations de notre organisation quant aux prochaines élections municipales. Pour reprendre le communiqué du 3 décembre de notre porte-parole, Arlette Laguiller, " Le congrès a, par ailleurs, approuvé le fait de discuter de participations éventuelles sur des listes de gauche. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, c'est loin d'être uniquement avec le Parti socialiste, mais c'est avant tout avec des listes unitaires de la gauche pour résister à la droite, voire pour gagner des municipalités sur elle. Cette attitude est nouvelle, certes, mais la possibilité de l'envisager n'est pas nouvelle. (...) ".

La Fraction s'est prononcée contre cette orientation.

" Attitude nouvelle " ? C'est le moins qu'on puisse dire, quand notre organisation a acquis son crédit sur une indépendance politique complète à l'égard des partis de la gauche. Et ce, aussi bien quand ces partis étaient au gouvernement, que lorsqu'ils s'apprêtaient, ensemble ou séparément, à y retourner. Evidemment personne n'est contre la " nouveauté ", à condition que cette nouveauté soit justifiée par un changement soit de la situation... soit de cette gauche.

Or, il s'agirait maintenant de participer à " des listes unitaires de la gauche pour résister à la droite ". La situation a-t-elle à ce point changé par rapport à il y a six mois quand, dans la Lutte de Classe n°105 de mai-juin dernier, notre majorité raillait à juste titre des partis de gauche qui, au nom de " la résistance " à Sarkozy, n'avaient d'autres perspectives " à l'issue d'une élection [qu'] une autre élection ", passant ainsi sous silence la préparation nécessaire d'une riposte du monde du travail ?

" Mais il se trouve que, lors d'élections municipales précédentes, le Parti socialiste et le Parti communiste étaient au gouvernement et s'y comportaient comme la droite aujourd'hui, ce que nous ne voulions pas cautionner ", dit le même communiqué. Certes, la gauche n'est actuellement pas au gouvernement. Mais le PS ne se " comporte-t-il pas aujourd'hui comme la droite ", sans la moindre velléité de prendre part ou même d'aider à la contestation sociale à l'égard de la politique de Sarkozy ? À la veille et pendant la grève des cheminots, le PS ne déclarait-il pas approuver la réforme de leurs retraites, donnant même des conseils de méthode à Sarkozy pour mieux la faire passer ? En quoi cette gauche-là a-t-elle changé depuis 2001 qui justifierait aujourd'hui de la cautionner ?

Aux yeux de cette partie du monde du travail désireuse de se défendre contre les attaques gouvernementales, la gauche n'est jamais apparue aussi détestable. Pour l'autre partie, qui a encore des illusions dans la gauche, l'alliance de Lutte Ouvrière à l'ex gauche plurielle ne pourra que semer encore plus d'illusions et de confusion.

Roger Girardot écrivait dans Lutte Ouvrière du 22 novembre dernier : " nous ne voulons pas que, dans la situation politique actuelle, nos listes puissent nuire aux listes de gauche (...) Nous ne faisons pas cela pour avoir des élus car, des élus, nous pouvons en avoir en nous présentant indépendamment comme en 2001. "

Nous avons toujours estimé que la gauche n'avait jamais eu besoin de Lutte Ouvrière pour se nuire à soi-même. Lutte Ouvrière n'a jusqu'ici jamais cédé au chantage qui consistait à l'accuser (elle et toute l'extrême gauche) de " nuire à la gauche ", ou en d'autres termes de " faire le jeu de la droite ".

Ensuite, de deux choses l'une : ou bien " nous ne faisons pas cela pour avoir des élus " et alors rien ne justifie dans la situation actuelle un tel virage vers un accord au premier tour avec " les listes unitaires de la gauche ", ou bien nous pensons que cette tactique permettra d'obtenir plus de sièges dans les municipalités, et alors, que nous le voulions ou non, nous apparaîtrons tenant plus à ces sièges qu'à notre programme. Cela ne nuira certes pas à la gauche, mais à la crédibilité de notre organisation, à coup sûr.

Les catastrophes comme la misère, le chômage, les licenciements et les bas salaires ne peuvent pas être affrontées sur le seul terrain local. Défendre de façon intransigeante les intérêts du camp des travailleurs dans les municipalités implique que nous puissions l'affirmer par un programme politique clair de défense des intérêts des travailleurs à l'échelle nationale, ce qui est impossible dans le cadre de " listes unitaires de la gauche ".

Ce programme exige que l'extrême gauche, à commencer par Lutte ouvrière, ne disparaisse pas dans la gauche traditionnelle. Les seuls partenaires possibles pour porter ce programme et avoir des élus, sont à chercher non pas auprès de la gauche gouvernementale, mais auprès de l'extrême gauche, à commencer par la LCR, sur les bases les plus claires possibles. C'est-à-dire, par exemple, certainement pas sur des listes à l'intitulé flou et ambigu, tel que " 100 % à gauche ", ou qui privilégieraient des revendications locales au détriment de notre programme national.

L'intervention sur le terrain électoral n'est pas la priorité des révolutionnaires. Surtout dans les circonstances actuelles où les travailleurs sont attaqués de toutes parts. Mais puisqu'il y a campagne électorale et qu'elle fait partie des combats politiques nécessaires, nous devons faire en sorte qu'elle aide et contribue à notre intervention sur le terrain essentiel des luttes de classe.

La Fraction L'Etincelle de Lutte Ouvrière

Une orientation sans la Fraction

Les camarades de la Fraction, qui se sont largement exprimés, en notre sein et publiquement, avant et pendant notre congrès sur ce sujet, éprouvent le besoin de continuer cette discussion. Sans doute pour montrer qu'ils se rapprochent de plus en plus de la LCR et de sa politique.

Notons que la LCR, dont la politique est chère à leur coeur, a appelé systématiquement depuis au moins les municipales de 1983 à voter pour la gauche là où la LCR ne présentait pas de liste avec ou sans LO. De même, au deuxième tour, de voter systématiquement pour la gauche quand elle ne fusionnait pas ses listes avec le PC et le PS alors au gouvernement.

Nous avons effectivement, dans la LDC en mai-juin dernier, raillé ceux qui se réclamaient de " la résistance " à Sarkozy mais ce n'étaient pas " les partis de gauche " comme affirmé dans ce texte mais le Parti Communiste et la LCR. Quelle pudeur empêche donc nos camarades de préciser cela ?

Sur le fond, ils reprochent au PS et au PC de " passer sous silence la préparation nécessaire d'une riposte du monde du travail ". Ils prétendent donc qu'on pourrait attendre cela du parti de Hollande ? C'est, pour le moins, essayer de faire croire au Père Noël. Il est vrai que c'est le moment ! Et, plus loin : " Certes, la gauche n'est actuellement pas au gouvernement mais le Parti Socialiste ne se comporte-t-il pas aujourd'hui comme la droite, sans la moindre velléité de prendre part ou même d'aider à la contestation sociale à l'égard de la politique de Sarkozy ? " Ils espèrent donc que le Parti Socialiste pourrait aider à la contestation sociale ? Mais l'a-t-il jamais fait ?

Et d'ajouter : " En quoi cette gauche-là a- t-elle changé depuis 2001 ? "

Sur le fond, elle n'a pas changé mais en 2001, elle était au pouvoir. Les attaques contre les travailleurs, c'était elle. Le blocage des salaires, c'était elle, et pas la droite. Les injures envers les grévistes maghrébins de Citroën Aulnay, c'était le Premier ministre socialiste, Mauroy et pas Sarkozy. Ils n'ont plus, depuis cinq ans, l'occasion de faire et de dire ces choses-là et l'électorat populaire le ressent ainsi en préférant la gauche à la droite, et c'est à lui que nous pensons.

Nous avons appelé à voter Mitterrand en 1974, en 1981 et nous avons appelé à voter Ségolène Royal en 2007, avec l'assentiment et le soutien de nos camarades de la Fraction. Veulent-ils nous faire croire que le parti de Guy Mollet et de Mitterrand était plus à gauche que le PS d'aujourd'hui ? Pourtant Mitterrand était un homme de droite maquillé grossièrement en leader de gauche. N'était-il pas pire d'avoir appelé à le soutenir ainsi que Royal que de participer à un Conseil municipal qui n'a aucune responsabilité dans le chômage, la crise du logement, les licenciements et les bas salaires mais qui, par contre, peut faire pas mal de choses qu'une municipalité de droite ne fait pas ?

La rédaction de Lutte Ouvrière

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