Dans les entreprises

SNCF : En soixante-dix ans, de moins en moins de service public !

La SNCF est née fin août 1937, par la nationalisation des cinq principales compagnies ferroviaires privées réunies dans la « Société nationale des chemins de fer français ». Le gouvernement réalisait là, avant tout, une opération de sauvetage de leurs propriétaires en faillite. Même si la création d'un réseau unifié à l'ensemble du territoire constitua un progrès bénéficiant à l'ensemble de la population.

La fin de l'année 1937 fut consacrée à préciser comment l'État, tout en préservant les intérêts immédiats des actionnaires de ces compagnies, allait mettre en place un réseau ferré qui réponde aux exigences des industriels du pays. Les anciennes compagnies, par ailleurs grassement dédommagées, gardaient 49 % du capital de la nouvelle société, dont l'État détenait 51 %. La nouvelle société affichait d'emblée ses orientations : recherche d'un « excédent d'exploitation » et de la rentabilité, tarifs augmentés de 20 % afin d'atteindre l'équilibre financier, disparition programmée de 6 000 kilomètres de lignes voyageurs, baisse des effectifs de plusieurs dizaines de milliers en l'espace de deux ans. On le voit : depuis sa création et quels qu'aient été les aléas de son histoire, la SNCF n'a jamais failli à cette orientation définie !

Après la Seconde Guerre mondiale, la remise en route des transports se fit en exigeant des efforts et des sacrifices des cheminots. Le service du fret se fit à des prix bradés en faveur des industriels. Puis dans les années soixante-dix, lorsque la SNCF fut confrontée à la première crise pétrolière et au démantèlement de la sidérurgie du Nord et de Lorraine, elle s'efforça de maintenir sa rentabilité en supprimant le tiers des lignes et en abandonnant de nombreux services omnibus, tandis que la politique tarifaire pour les voyageurs était revue à la hausse.

Après l'élection de Mitterrand, en 1981, et la nomination au ministère des Transports d'un communiste, Charles Fiterman, la SNCF fut transformée en « établissement public industriel et commercial », recherchant un « excédent financier » par une politique salariale et de suppressions de postes qui dressa contre elle les cheminots à la fin de l'année 1986. De nouveau, fin 1995, l'annonce d'une réforme du système SNCF des retraites des cheminots déclencha une grève dont on parle encore, qui contraignit le gouvernement Juppé à remballer le projet.

1981 avait également été l'année du lancement du premier TGV. Dès lors, la SNCF fit des lignes à grande vitesse ses projets phares pour toute la période à venir. Pour les réaliser, elle s'endetta considérablement auprès des banques, avec pour contrepartie une politique d'économies qui aboutit à la suppression de 73 000 emplois entre 1985 et 1995. De nouveau, des lignes secondaires furent fermées, l'entretien du réseau rogné, les activités de fret réduites, etc., ce qui n'empêcha pas le déficit d'atteindre en 1996 près de deux milliards d'euros et la dette près de 35 milliards !

En 1997, le gouvernement créa Réseau ferré de France (RFF), qui prit à sa charge les infrastructures ainsi que les deux tiers de la dette. La SNCF se trouvait, de fait, éclatée en deux morceaux, ce qui représentait un incontestable recul. Ce recul est encore accentué aujourd'hui, alors que le réseau ferré est ouvert à d'autres entreprises ferroviaires que la SNCF. En effet des transporteurs privés, aujourd'hui de fret mais dès 2008 également de voyageurs, peuvent s'adresser à RFF pour obtenir l'autorisation - moyennant paiement - de faire circuler des trains dont ils sont propriétaires, exactement comme des camions privés peuvent circuler sur le réseau routier. Dans quelques années, l'ensemble du trafic sera ainsi livré à la concurrence, ce que le gouvernement et la direction SNCF présentent comme une évolution inévitable et positive !

Au nom de cette concurrence, la course au profit s'est renforcée, à coup de restrictions, de « recentrages » sur ce qui apparaît commercialement « rentable » à la direction, au détriment de ce qui serait nécessaire et utile à l'ensemble de la population.

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