Il y a 40 ans : La sécession et la guerre du Biafra.05/07/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/07/une2031.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Il y a 40 ans : La sécession et la guerre du Biafra.

Le 30 mai 1967, un colonel ibo proclamait l'indépendance de la province orientale du Nigeria sous le nom de République du Biafra. Cette sécession allait déboucher sur une longue et sanglante guerre civile qui, entre le 6 juillet 1967 et la mi-janvier 1970, fit près de 2 millions de morts. La famine provoquée par le blocus terrestre et maritime de la région sous contrôle biafrais rendit ce conflit tristement célèbre. Quant aux combattants, les uns croyaient défendre leur droit à un État indépendant, les autres croyaient défendre l'unité du Nigeria, mais ils moururent surtout pour les intérêts des trusts pétroliers.

À l'époque de son indépendance, en 1960, le Nigeria était l'un des pays les plus étendus et les plus peuplés d'Afrique. Il comptait 56 millions d'habitants et regroupait plus de 200 ethnies se rattachant à trois grands groupes : les Haoussas vivant au nord, les Yoroubas au sud-ouest et les Ibos au sud-est. Le colonisateur anglais avait utilisé les divisions ethniques pour établir un système fédéral qui fragilisait le pays. Dans les années qui suivirent l'indépendance, les dirigeants des trois régions officielles s'affrontèrent pour le contrôle de l'appareil d'État.

Les élections de 1965 exacerbèrent ces rivalités. Les résultats, entachés par des fraudes massives, donnèrent une majorité écrasante à l'Alliance Nationale Nigeriane (parti haoussa) alliée aux conservateurs yoroubas. Se sentant menacés, des officiers ibos organisèrent un coup d'État et placèrent le général Ironsi à la tête de l'État fédéral. Les leaders des principaux partis furent assassinés et les partis interdits.

Vers la sécession.

En août 1966, Ironsi fut à son tour renversé et assassiné. Une junte militaire, originaire du nord et à majorité musulmane, prit le pouvoir et le remit au général Gowon. Dans le nord du pays, la tension monta entre musulmans, majoritaires, et chrétiens. Des massacres furent perpétrés contre des Ibos.

Entre temps la situation s'était considérablement compliquée avec la découverte d'importants gisements pétroliers dans le delta du Niger et au large des côtes orientales. Dès 1966, leur production, contrôlée par Shell, BP et American Overseas, atteignait 10 millions de tonnes par an. Deux tiers des puits se situaient dans la région peuplée majoritairement par les Ibos. Cet enjeu pétrolier était d'autant plus important pour eux que les récentes persécutions contre les ressortissants de leur ethnie dans le nord avaient provoqué un retour massif dans leur région d'origine, la région orientale précisément.

Le colonel Ojukwu, gouverneur militaire de cette région, fief des Ibos, refusa de reconnaître l'autorité de Gowon. Le projet de redécoupage que ce dernier préparait, qui aurait fait passer le pays de 3 à 12 régions et surtout privé les Ibos de la manne pétrolière, accéléra le divorce. Le 30 mai 1967, Ojukwu proclama l'indépendance du Biafra, avec Enugu pour capitale.

Le pouvoir fédéral ne pouvait accepter cette sécession. Début juillet 1967, les troupes fédérales passèrent à l'offensive.

Au début, l'armée biafraise remporta quelques succès. Elle compléta sa mainmise sur les ressources pétrolières en s'emparant en août 1967 de la région du centre-ouest qui concentrait un tiers des puits. Mais l'armée fédérale ne tarda pas à reprendre le dessus : Enugu tomba le 28 septembre 1967, Port Harcourt et ses champs pétrolifères le 24 mai 1968. Le Biafra ne fut bientôt plus qu'un réduit surpeuplé.

Le soutien de la France au Biafra... et surtout à ELF.

Gowon reçut le soutien de l'URSS et, après quelques hésitations, de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Le Biafra, lui, fut soutenu par la France et certains de ses vassaux africains comme le Gabon et la Côte-d'Ivoire, ainsi que par le Portugal, l'Espagne, l'Afrique du Sud et Israël.

En jouant la carte des sécessionnistes biafrais, De Gaulle comptait bien améliorer la position d'Elf face à ses concurrents anglo-américains pour l'exploitation du pétrole de la région. L'impérialisme français était d'autant plus enclin à soutenir la sécession qu'elle ne pouvait qu'affaiblir le Nigeria, qui constituait par sa taille, aux frontières de sa zone d'influence, un pôle d'attraction pour les petits États de la région.

Officiellement, le gouvernement français n'accordait qu'une aide " logistique " aux Biafrais, en réalité il leur fit passer des tonnes d'armes et de munitions, ainsi que des mercenaires et des conseillers militaires comme Bob Denard. Alors qu'avec la chute de Port Harcourt, le Biafra se trouvait non seulement privé d'accès terrestres mais également privé d'accès à la mer, l'impérialisme français organisa un pont aérien qui permit au Biafra de durer.

À partir d'août 1968, des millions de Biafrais se retrouvèrent coincés sur quelques milliers de kilomètres carrés, ce qui entraîna une gigantesque famine, ainsi que des épidémies meurtrières. Cette tragédie, qui fit près de 2 millions de morts parmi la population ibo, fut largement médiatisée, notamment en France où le gouvernement, au nom de l'aide humanitaire, en profita pour intensifier ses rotations aériennes... et ses livraisons d'armes clandestines.

Finalement, après trente mois d'affrontements, les dirigeants biafrais capitulèrent le 12 janvier 1970. Ojukwu quitta le pays. Grâce à l'argent du pétrole, le pays put se relever peu à peu des destructions de cette guerre civile.

Quant à la région du delta du Niger, elle reste aujourd'hui encore une zone convoitée par diverses bandes armées qui veulent s'approprier une partie de la manne pétrolière.

Partager