Ni rire ni pleurer, mais reprendre le chemin de la lutte16/05/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/05/une2024.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Ni rire ni pleurer, mais reprendre le chemin de la lutte

Sarkozy va donc être investi, cette semaine, président de la République. Après sa campagne électorale où, invité par les patrons, il a parcouru au pas de charge quelques usines, histoire de montrer qu'il s'intéresse aux ouvriers, il a tenu à afficher sans complexe ses véritables amitiés. Il s'est envolé en jet privé pour Malte et a rejoint un yacht luxueux, les deux appartenant à son grand ami Vincent Bolloré, une des dix plus grosses fortunes du pays. D'après le calcul d'une association de chômeurs, cette petite escapade aurait coûté l'équivalent de dix-sept ans de smic. Mais qu'est-ce donc que cette somme, pour un Bolloré ? Et qu'est-ce qu'il en escompte en retour ?

On ne sait pas encore de qui sera composé le premier gouvernement de l'ère Sarkozy et, en particulier, s'il comptera quelques transfuges venus de la gauche, comme le laisse entendre la presse. On sait en revanche quelle en sera la politique.

Sarkozy ne s'en est nullement caché : il gouvernera en faveur du grand patronat et des plus riches. Il réduira l'impôt sur les bénéfices des sociétés et sur les plus hauts revenus, ce qui signifie donner encore moins de moyens aux services publics.

Quant à sa politique sociale, elle se résume à ceci : ceux qui veulent gagner plus n'ont qu'à faire des heures supplémentaires, s'ils ont un emploi et si leur patron éprouve la nécessité d'y recourir. Aux mal-logés et aux sans-logis, il propose de devenir propriétaires de logements qu'ils n'ont pas ou dont ils ne peuvent pas payer le loyer ! Quant au chômage, il a inventé le slogan " le travail crée le travail " et, en conséquence, il faut user encore plus au travail ceux qui en ont, en espérant qu'il en résultera des retombées pour ceux qui n'en ont pas. Il veut supprimer l'emploi d'un travailleur de service public sur deux qui part à la retraite. Il se prépare à s'en prendre au droit de grève et à la retraite des cheminots.

Les gouvernements de Sarkozy continueront ce qu'ont fait les gouvernements de Chirac, en plus cynique peut-être, en l'aggravant s'ils le peuvent.

Mais le pourront-ils ? Cela ne dépend pas que d'eux. Cela dépend autant et plus encore des réactions auxquelles ils seront confrontés parmi les travailleurs.

La situation est-elle différente de ce qu'elle aurait été si Ségolène Royal avait été élue ? Pas tellement. Pas tant en tout cas que le PS et les autres partis de l'ex-Gauche plurielle voudraient nous le faire croire. Le grand patronat aurait eu le même pouvoir sur l'économie et Ségolène Royal ne se serait pas plus opposée que Sarkozy à ses quatre volontés.

Pour que les choses changent ne serait-ce qu'un peu pour nous, nous aurons à mener des luttes sérieuses, importantes et déterminées. Aucun président de la République, de quelque bord qu'il soit, n'a jamais fait de cadeaux aux travailleurs sans y être contraint.

Le bulletin de vote permet tout au plus de changer l'équipe gouvernementale. Et même sur cela il ne faut pas trop compter car une partie du monde du travail, la plus défavorisée, les travailleurs immigrés, est privée du droit de vote.

Mais, de toute façon, le bulletin de vote ne vaut rien pour changer le rapport de force entre le grand patronat et les travailleurs. Et c'est cela qui est décisif. Tout dépend de notre détermination et de notre conscience collective que seules les luttes peuvent payer.

Si Ségolène Royal avait été élue, elle ne nous aurait pas donné de raisons de nous réjouir, pas plus qu'il n'y en a aujourd'hui de pleurer. Avec Sarkozy, nous avons un ennemi ouvert à la présidence de la République, mais ce n'est pas plus catastrophique que d'y avoir de faux amis.

Tôt ou tard, nous aurons à entrer en lutte, tout simplement parce que la situation des classes populaires deviendra de plus en plus intenable. Ni le patronat ni le gouvernement ne nous laisseront d'autre choix. Il faudra alors que nous soyons conscients des revendications à proposer et que nous sachions clairement qui sont nos alliés et qui sont nos adversaires, ouverts ou déguisés.

Éditorial des bulletins d'entreprise du 14 mai

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