Dans le monde

Égypte : Depuis plusieurs mois, d'importants mouvements de grève

Depuis plusieurs mois, des milliers de travailleurs ont fait grève en Égypte, en particulier dans le secteur textile. Les salaires extrêmement bas, les conditions de travail, le mécontentement face à des représentants syndicaux qui sont du côté du pouvoir, sont à la base de ces mouvements, qui sont loin d'être terminés.

Ainsi, dans le vaste complexe industriel de Mahalla al Kubra, dans le delta du Nil, des milliers d'ouvriers ont fait grève pendant une semaine en décembre 2006, avec rassemblements, sit-in, occupations de locaux, afin d'obtenir que leur prime de fin d'année de 100 livres égyptiennes (13 euros) soit portée à deux mois de salaire. Le salaire moyen d'un ouvrier d'une usine textile d'État est fréquemment inférieur à 100 LE, primes comprises. Seule la promesse du gouvernement de verser à tous l'équivalent de quarante-cinq jours de salaire a mis fin à la grève mais, à l'annonce de ce recul gouvernemental, les mouvements se sont étendus à d'autres usines du Delta, où des milliers d'autres ouvriers et ouvrières du textile débrayèrent à leur tour pour exiger de meilleurs salaires et conditions de travail.

Des mouvements ont également eu lieu dans d'autres secteurs, les cimenteries, le ramassage des ordures, les industries alimentaires, et dans d'autres régions, comme Alexandrie et dans le sud, dans des entreprises d'État comme dans le privé.

Récemment, début mai, dans l'agglomération du Caire, les transports publics, lignes de bus et métro du Caire, ont été touchés par les grèves. Des dépôts de bus ont été occupés. Les revendications des 4 000 grévistes portaient également sur les salaires et les conditions de travail. " Nous souffrons depuis des années et notre situation est de plus en plus mauvaise. La direction ne fait rien et personne ne défend nos intérêts. Alors nous avons décidé de faire entendre notre voix ", déclarait un conducteur de bus gréviste au journal Al-Ahram. Douze heures de travail par jour, un salaire de 450 LE (60 euros) après dix ans d'ancienneté, les nombreuses contraventions soustraites de la paye, c'est le quotidien des 12 000 chauffeurs qui transportent quotidiennement quelque dix millions de voyageurs au Caire. Le Premier ministre, Ahmad Nazif, ayant annoncé des mesures chiffrées sur les primes et la non-déduction des contraventions, les chauffeurs ont cessé la grève, tout en menaçant de reprendre ultérieurement si les promesses n'étaient pas tenues.

Face à ce mécontentement généralisé, le gouvernement et le patronat temporisent donc parfois. Mais parallèlement ils cherchent à faire taire les militants qui pourraient donner une expression à la contestation. Ainsi le 25 avril, le Centre de services syndicaux et ouvriers, le CTUWS (Center for Trade Unions and Workers Services), a été purement et simplement fermé par le gouvernement.

Fondé en 1990, ce centre, sous le statut d'une ONG, cherche à coordonner les travailleurs des entreprises des grands centres industriels, à leur faire connaître leurs droits, à leur apporter son aide dans les mouvements et les grèves. Il cherche en particulier à exprimer une voix discordante face aux représentants de la confédération syndicale existante, qui n'est autre qu'un syndicat unique progouvernemental et patronal.

Devant la multiplication et l'ampleur des grèves de ces derniers mois, Moubarak et les ministres de la Main-d'oeuvre, de la Solidarité sociale, ainsi que le président de l'Union syndicale, ont visiblement jugé qu'il ne fallait plus laisser cette voix s'exprimer. Après s'en être pris à ses locaux dans diverses villes, la police a envahi le siège du Centre, à Helouan, ville ouvrière au sud du Caire, et en a scellé les portes.

" Cette situation a assez duré, déclarait il y a quelque temps à la télévision la ministre du Travail. Nous travaillons à résoudre les problèmes des ouvriers, mais il y a ceux qui veulent démarrer une révolution. " Mais voilà, des dizaines, voire des centaines de milliers de travailleurs égyptiens en ont assez d'attendre que les ministres " travaillent à résoudre leurs problèmes "...

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