Adisseo - Commentry (Allier) : Une usine chimique qui fabrique aussi des cancers17/11/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/11/une1998.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Adisseo - Commentry (Allier) : Une usine chimique qui fabrique aussi des cancers

L'usine chimique Adisseo de Commentry, aujourd'hui filiale du groupe chinois Chem China, mais qui auparavant avait appartenu à Rhône-Poulenc, puis à Aventis, est spécialisée dans la fabrication de vitamine A et de vitamine E destinées à l'alimentation animale.

Aujourd'hui, l'usine compte 700 salariés, sans compter la centaine de salariés d'intervenants extérieurs, et elle est classée «Seveso 2" pour sa dangerosité

À ce jour, en 2006, on dénombre quarante-neuf personnes qui y ont travaillé et qui ont contracté un cancer: vingt-quatre ont été atteintes d'un cancer du rein, dont neuf sont décédées. C'est, d'après les experts, un taux «plus de vingt fois supérieur à la moyenne». Quinze personnes souffrent de cancer de l'appareil urinaire (prostate, vessie), y compris des personnes jeunes. Dix personnes sont atteintes d'un cancer de l'intestin. Sans compter les vingt et une personnes atteintes par les cancers de l'amiante.

La cause des cancers du rein est quasi certaine: en 1982, l'entreprise avait introduit une nouvelle molécule dans son procédé de fabrication, le Chloracétal C5, pourtant reconnue pour ses pouvoirs toxiques et mutagènes, en particulier sur les reins.

Dès 1994, le médecin de l'entreprise avait alerté la direction de l'usine sur le premier cas de cancer du rein. En 2003, dix cancers étaient déjà recensés. Mais les tentatives de faire reconnaître ces cancers comme maladies professionnelles sont restées vaines. Il a fallu que l'Association des malades de la chimie, créée en 2003 et soutenue par la CGT de l'entreprise, porte l'affaire sur la place publique par le moyen d'une conférence de presse et que le quotidien local relate l'existence de nombreux cas de cancer du rein pour que les instances publiques s'intéressent enfin à la situation des travailleurs malades.

Depuis, quinze personnes malades du cancer du rein ont été reconnues comme ayant contracté une maladie professionnelle, avec un taux d'incapacité de 25 à 40%. Neuf d'entre elles poursuivent Adisseo pour faute inexcusable afin d'obtenir des indemnités du patron.

L'association a également obtenu de la Cram le suivi, pour le risque de cancer du rein, de soixante-deux ex-salariés d'Adisseo et de quarante-quatre ex-salariés d'entreprises extérieures qui intervenaient sur le site. En fait, le recensement des intérimaires et des salariés des sous-traitants est très difficile.

Malgré ces évidences, la direction continue comme si elle n'y était pour rien. Le représentant d'Adisseo aurait déclaré selon la presse que, pour savoir si ces cancers sont liés au C5, il faut encore attendre «de nouvelles études qui sont en cours». Le patron d'Adisseo assure que, dès les premiers cas, son entreprise aurait modifié les procédures de fabrication de la vitamine A pour qu'il n'y ait plus d'exposition directe des ouvriers au produit incriminé. Pourtant, les autres fabricants de vitamine A n'utilisent pas cette molécule C5, qualifiée par un toxicologue de «cancérogène fort», et ils ne connaissent pas ces cancers.

À Commentry, la production continue donc avec la même molécule plus que suspectée, et chaque année amène des cas supplémentaires de cancer. Et à chaque fois il faut se battre pour se faire reconnaître en maladie professionnelle, en particulier pour les autres types de cancer.

Il est inadmissible que la direction ne reconnaisse pas son implication directe dans le déclenchement des maladies. Il est inadmissible que ce ne soit pas elle qui prenne en charge, d'une manière ou d'une autre, le coût financier de soins médicaux qui en découlent. Mais il est surtout inadmissible qu'on ne l'oblige pas à stopper l'hécatombe.

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