Une violence criminelle, sous-produit du fonctionnement de la société01/11/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/11/une1996.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Une violence criminelle, sous-produit du fonctionnement de la société

Cette fois, le 28 octobre à Marseille, l'incendie d'un bus a grièvement brûlé une jeune femme qui, même si elle survit, gardera d'importantes séquelles. C'est un crime, il n'y a pas d'autre mot, perpétré par des jeunes sans la moindre conscience.

Le groupe d'imbéciles criminels qui a mis le feu à l'autobus voulait se venger, paraît-il, de la conductrice du bus qui ne s'était pas arrêtée entre deux stations pour les prendre. La semaine précédente, par huit fois, d'autres bus ont été incendiés, surtout dans la banlieue parisienne, sans faire, heureusement, de victimes. Mais c'était par chance. Et ceux qui s'adonnent à ce genre d'opérations prennent de toute façon le risque de tuer aveuglément.

C'est un crime inexcusable, même si les jeunes qui agissent ainsi sont issus des quartiers pauvres et même si certains d'entre eux croient ainsi exprimer leur haine de la société. Ceux qu'ils risquent de tuer sont aussi des pauvres comme eux, leurs parents, leurs proches, des gens de leurs quartiers.

La pauvreté n'excuse pas l'inconscience et encore moins de frapper les siens. Car même si, dans la région parisienne, les incendies de bus à Grigny, à Nanterre, à Trappes ou ailleurs n'ont pas provoqué mort ou blessure, lorsque les conducteurs n'osent plus desservir les quartiers concernés, ce sont les femmes et les hommes de ces quartiers qui sont frappés, ce sont eux qui sont contraints de se rendre au travail ou de se déplacer à pied.

C'est à ceux-là que les jeunes qui s'adonnent à ce genre d'opérations rendent la vie encore plus difficile.

Des criminels inconscients et des imbéciles ont toujours existé. Mais pourquoi la multiplication des cas?

Lorsque, dans certains quartiers populaires, le chômage dépasse le double ou le triple de la moyenne nationale déjà intolérable, lorsque les jeunes de ces quartiers n'ont aucun espoir de trouver du travail, lorsque, depuis leur petite enfance, ils ont été rejetés de toute éducation adaptée et de tout sentiment d'appartenir à la collectivité, tous ne deviennent pas des imbéciles sans conscience, loin de là. Mais il est inévitable que, sur les marges, se constitue une minorité sans règles, sans respect pour les siens, que le mouvement ouvrier a appelé dans le temps le "lumpen-prolétariat". Le mouvement ouvrier a eu, de tout temps, à dénoncer et bien souvent à combattre ce "lumpen-prolétariat". Non seulement ces éléments déclassés empoisonnaient l'existence des travailleurs, mais bien souvent c'est parmi eux que les patrons, voire l'extrême droite, recrutaient leurs hommes de main.

Alors, même s'ils sont issus des quartiers pauvres, ceux-là ne méritent pas plus de sympathie que les terroristes qui, au nom de causes justes ou pas, font exploser une voiture dans une rue populaire très passante ou au milieu d'un marché.

Tout en rejetant ces gens-là, il ne faut cependant pas que ce rejet fasse oublier le terreau sur lequel ce "lumpen-prolétariat" pousse. Il ne faut pas que cela fasse oublier les responsables de cette situation, ceux qui dominent l'économie, qui sacrifiant tout pour le profit sont responsables du chômage, de la misère qui monte et de tous leurs dégâts collatéraux. Mais aussi les dirigeants politiques des deux bords qui, par servilité ou par veulerie à l'égard du patronat, laissent la misère monter, la vie sociale se décomposer et les quartiers populaires se transformer en jungle.

Mais si les quartiers populaires sont engagés dans cette évolution, c'est parce que toute la société, toute l'économie sont une jungle où seuls comptent le rapport de forces, la puissance et l'argent. Les jeunes criminels sont les produits d'un système infiniment plus criminel. Cela ne les excuse pas, mais il ne faut pas l'oublier non plus.

Arlette LAGUILLER.

Éditorial des bulletins d'entreprise du 30 octobre.

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