Travailleurs, nous sommes tous des immigrés!27/09/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/09/une1991.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Travailleurs, nous sommes tous des immigrés!

Des centaines d'immigrés, hommes, femmes et enfants, sont entassés dans un gymnase de Cachan, en banlieue parisienne, depuis un mois, depuis leur expulsion musclée d'un foyer d'étudiants où ils avaient trouvé refuge pendant trois ans.

Les interventions policières comme les confrontations politiques qui se déroulent à ce propos ont fait, de ce qui se passe à Cachan, le symbole de la situation des travailleurs immigrés.

À qui fera-t-on croire qu'un pays riche comme la France est incapable d'assurer un logement aux quelques centaines de personnes entassées dans des conditions infectes, qu'elles aient un titre de séjour ou pas? D'autant que le maire d'une commune proche propose un bâtiment désaffecté appartenant à l'État, qui pourrait les accueillir. Mais le préfet, couvert par le ministre de l'Intérieur, Sarkozy, refuse cette solution.

Car multiplier les provocations policières autour du gymnase, les arrestations spectaculaires de sans-papiers suivies d'expulsions, donne à Sarkozy l'occasion de parader à la télévision et d'afficher sa fermeté sur l'immigration. C'est à l'électorat de Le Pen que Sarkozy s'adresse: «Voyez donc, j'ai le même programme que Le Pen mais moi, je l'applique déjà comme ministre et, contrairement à lui, j'ai une chance d'être élu président de la République».

Cette démagogie électorale, Sarkozy la mène avec la peau des autres, en premier lieu ceux qui ont été arrêtés et expulsés alors qu'ils ont ici leur famille et leurs enfants. Mais la campagne contre l'«immigration illégale» rend plus dure la vie de tous les travailleurs immigrés avec la multiplication des contrôles au faciès, les vexations policières et patronales.

Sachant que les chaînes de production et le bâtiment ne peuvent pas se passer de travailleurs immigrés, Sarkozy parle d'«immigration choisie». Choisie évidemment par le gouvernement français, en fonction des besoins du grand patronat! L'expression avait suscité la réaction de dirigeants africains, dont celui du Sénégal qui rejetait l'idée que son pays soit considéré comme un vivier où l'on sélectionne en fonction des seuls besoins de l'économie française, au risque de priver le pays d'origine d'hommes et de compétences.

Et voici Sarkozy qui revient du Sénégal avec un accord parlant d'«immigration concertée». En clair, en contrepartie de quelques crédits, l'État du Sénégal apportera sa collaboration pour empêcher ses citoyens de fuir la misère.

Mais si les dirigeants africains peuvent se contenter d'un changement de mots, «concertation» à la place d'«immigration choisie», ce n'est pas le cas de ceux qui sont poussés vers l'émigration. Ce n'est pas par plaisir ni par pur goût de l'aventure qu'un nombre croissant de jeunes du Sénégal ou d'ailleurs choisissent de quitter leur pays pour aller en Europe au risque de leur vie. Ils sont chassés par la misère et par l'espoir de trouver un travail et une vie meilleure.

Et promettre le «codéveloppement» comme alternative à l'émigration est une sinistre plaisanterie.

Les institutions officielles elles-mêmes reconnaissent que le flux d'argent allant vers l'Afrique est très inférieur à l'argent qui en revient, c'est-à-dire les profits, les intérêts, les remboursements qui vont des pays pauvres vers les pays riches. Non seulement il n'y a pas de codéveloppement, mais l'Europe continue à vider l'Afrique de sa substance.

Alors, les dirigeants peuvent élever des barbelés autour de l'Europe, l'immigration continuera. Et notre intérêt à nous, travailleurs de France, n'est certainement pas de prétendre que les travailleurs immigrés sont responsables du chômage, mais de les accueillir en frères et d'en être solidaires lorsqu'ils revendiquent le droit à une vie normale, sans exactions policières, sans menace d'expulsion.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprises du 25 septembre

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