Après le sommet de Compiègne : Poutine et les outils de la diplomatie russe27/09/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/09/une1991.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Après le sommet de Compiègne : Poutine et les outils de la diplomatie russe

Le sommet France-Allemagne-Russie, qui vient de se tenir à Compiègne les 22 et23 septembre, a fourni l'occasion à certains médias de se donner des frissons à peu de frais.

Sur fond de renchérissement du coût des hydrocarbures, la Russie, second exportateur de pétrole et premier producteur de gaz du monde, a été présentée comme en train d'accumuler des pétrodollars; et surtout, comme se trouvant en situation de peser sur l'approvisionnement énergétique de l'Europe par le biais de Gazprom, une société contrôlée par l'État russe qui fournit le tiers du gaz consommé en Europe.

Et puis, il y aurait le cas d'EADS, la maison-mère d'Airbus, dont une filiale de la Banque centrale russe a acquis 5% du capital cet été. Quand les autorités russes ont dit qu'elles voudraient pouvoir en acheter 25%, cela a suscité un tollé des principaux actionnaires d'EADS: le groupe Lagardère et l'État français, ainsi que le groupe allemand DaimlerChrysler.

Mais, l'an dernier, on ne les avait pas entendus protester, bien sûr, quand EADS avait acquis 10% d'Irkout, un constructeur d'avions militaires russes. Ni quand EADS a annoncé vouloir prendre une part du consortium aéronautique que l'État russe vient de constituer en réunissant les principales firmes d'aviation militaire et civile du pays.

Autrement dit EADS aimerait, comme d'autres grands trusts, pouvoir faire son marché en Russie, en s'y emparant de ce qui l'intéresse des restes de la puissante industrie soviétique, mais sans tolérer de réciproque.

Après la disparition de l'URSS, sous la présidence Eltsine, l'État russe n'avait ni les moyens ni la volonté de s'opposer au pillage de son économie, au premier chef par la bureaucratie qui domine le pays.

Depuis quelques années, Poutine a réussi, sinon à y mettre un point d'arrêt, en tout cas à y remettre un peu d'ordre. Il a mis au pas certains des «nouveaux riches» de l'époque Eltsine qui, pour continuer à s'enrichir de façon fabuleuse, auraient été prêts à brader des secteurs-clés de l'économie russe, menaçant ainsi de tuer ce qui reste la poule aux oeufs d'or pour des millions de bureaucrates russes.

Alors, maintenant que l'État russe a un peu plus de moyens, ceux que lui donne le contrôle de ses géants économiques comme Gazprom, il en use comme d'un instrument de pression politique.

Et cela se voit dans les ex-républiques soviétiques, où le brusque renchérissement des prix du gaz et la fermeture de vannes des gazoducs sont employés par Moscou pour peser, notamment, sur la Géorgie ou l'Ukraine.

Cela vaut aussi, à un moindre niveau, pour les petits pays d'Europe centrale, qui dépendent de la Russie pour une grande partie de leur énergie.

Avec l'Allemagne ou la France, deux des principales puissances impérialistes du continent, le rapport de forces est tout autre. Mais cela n'empêche pas Poutine d'user des atouts dont il dispose. Et ce sont ceux que lui procure une certaine forme d'étatisme économique, lointain héritage de la période soviétique, via le monopole du géant public du gaz Gazprom, ou en menaçant de renouveler ou pas une concession pétrolière à Total, ou encore en mettant en concurrence Airbus et Boeing pour l'énorme contrat du renouvellement de la flotte aérienne civile russe.

Certains commentateurs ont cru y voir une nouveauté. C'est oublier un peu vite que les gazoducs russes approvisionnant l'Europe avaient été conçus, lors de leur construction du temps de l'Union soviétique, d'abord comme un instrument de marchandage diplomatique aux mains de la bureaucratie de l'époque brejnevienne.

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