Mexique: massacre de la place des Trois-Cultures : un ministre rattrapé... 37 ans après07/07/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/07/une1979.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Mexique: massacre de la place des Trois-Cultures : un ministre rattrapé... 37 ans après

Un mandat d'arrêt a été lancé vendredi 30 juin contre Luis Echeverria, jugé responsable du massacre d'étudiants perpétré place Tlatelolco, la place des Trois-Cultures, à Mexico, le 2 octobre 1968, et poursuivi pour «complicité de génocide». Il était alors ministre de l'Intérieur et chef de la Sécurité nationale; deux ans plus tard, il devint président et le resta jusqu'en 1976.

Ce jour-là, en effet 100000 manifestants, en majorité étudiants, étaient venus écouter, sur cette place de Mexico, les dirigeants des grèves qui paralysaient les universités. Le gouvernement mexicain de Gustavo Diaz organisa un véritable piège, avec l'aide de la police antiémeutes et de l'armée. Des tireurs postés sur les toits tout autour de la place ouvrirent le feu sur la foule. Les tirs d'armes automatiques firent plusieurs centaines de morts selon les familles et des témoins, seulement trente selon les autorités!

La contestation contre le régime autoritaire de Gustavo Diaz Ordaz, avait commencé des mois auparavant. Après une intervention particulièrement brutale de la police contre des étudiants le 22 juillet 1968, grèves et manifestations étudiantes se déclenchèrent, toutes marquées par des affrontements avec la police et de nombreuses arrestations. Le 27 août, il y avait un demi-million de personnes sur la grande place de Mexico, le Zocalo.

À l'approche des Jeux olympiques qui devaient se dérouler à Mexico, le pouvoir voulut frapper un grand coup pour tenter de faire taire cette opposition, ce qu'il fit le 2 octobre. Après la fusillade, des milliers de dirigeants et militants se retrouvèrent en prison, certains y restèrent plusieurs années, d'autres disparurent.

Mais l'agitation continua à s'exprimer durant les années suivantes et le pouvoir, de son côté, continua à répondre par la force, comme le 10 juin 1971. Un témoin de cette journée raconte: «Cet après-midi là, nous étions 8000 à 10000, mais en face, il y avait bien 2000 policiers, 1000 militaires et un millier de Faucons (une force spéciale de paramilitaires).» Ce jour-là, il y eut des dizaines de morts, et aucun bilan officiel ne fit jamais état de l'ampleur de la répression.

Après avoir commandé un rapport sur la répression policière de ces années-là, Vicente Fox, le président sortant, décida il y a deux mois d'enterrer ce document rédigé au terme de quatre années d'enquête, tout de même tiré d'archives de la police et de la justice, même si celles de l'armée, elles, sont encore protégées par le secret!

Luis Echeverria est le premier haut responsable à être arrêté, ou plutôt mis en résidence surveillée, pour les atrocités commises durant cette période qu'on a appelée la «Guerre sale». Cela est survenu juste deux jours avant l'élection présidentielle. Les mauvaise langues diront que le PAN, le parti du président sortant, avait quelques préoccupations électoralistes, lui qui s'était engagé à conduire devant la justice tous les anciens responsables de la répression de ces années-là.

Il est peu probable que la mise en résidence surveillée d'un homme de 84 ans dans l'attente d'un procès qui pourrait traîner en longueur suffise à satisfaire les proches de ceux qui ont été tués ou qui ont disparu.

Partager