«Milliardaires philanthropes» Les vampires passent au don du sang29/06/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/06/une1978.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

«Milliardaires philanthropes» Les vampires passent au don du sang

Warren Buffett, le deuxième homme le plus riche du monde, va offrir 85% des 44 milliards de dollars de sa fortune personnelle à des Suvres charitables. Il imite en cela son compère Bill Gates, première fortune mondiale, qui a déclaré qu'il allait désormais consacrer son temps et une partie de sa fortune à soulager la misère. Gates et Buffett devraient dépenser près de trois milliards de dollars par an à lutter contre les maladies infectieuses dans les pays pauvres, plus que ce que peut faire l'Organisation Mondiale de la Santé, financée par les États et placée sous l'égide de l'ONU. De même la fondation Gates dispose de trente milliards de dollars, alors que l'UNESCO n'a dépensé l'an dernier que 610 millions de dollars.

Il y a ainsi des individus qui sont plus riches et plus puissants que la plupart des États et des organismes internationaux et qui ont le pouvoir de consacrer, ou pas, une partie de leur fortune à des «Suvres charitables». La santé, la vie même, de millions d'enfants menacés par la faim et les maladies tiendraient donc au désir d'un milliardaire américain de s'acheter sa place au paradis?

La main droite de Buffett n'ignore pourtant pas ce que fait sa main gauche. Il ne va pas donner sa fortune tout d'un coup, mais seulement offrir chaque année 5% des actions de sa société Berkshire Hathaway. Les fondations charitables qui les recevront devront donc les vendre pour avoir des liquidités. Ce sera pour Buffett une double bonne action puisqu'il affirme que ces ventes, à la fois forcées et limitées, feront monter le cours de l'action... et enrichiront encore ceux qui les possèdent. Lui-même au premier chef! De plus les donations aux fondations charitables permettent, aux États-Unis comme en France, d'importantes déductions d'impôts.

Pour expliquer son geste, Buffett se réfère à Andrew Carnegie, un milliardaire américain mort en 1919 qui affirmait que, la fortune venant de la société, elle devait y retourner. Carnegie a financé de nombreuses fondations culturelles, dont 2500 bibliothèques qui portent son nom, des salles de concert, des théâtres etc. Il est aussi connu dans l'histoire comme un des «barons voleurs» qui se construisirent des empires industriels et financiers aux États-Unis, par le vol, la violence, le pillage des fonds publics et l'exploitation forcenée des travailleurs. Carnegie est aussi tristement célèbre pour avoir régulièrement utilisé les services de mercenaires armés qui n'hésitaient pas à assassiner les travailleurs en grève.

Buffett est bien digne de son modèle. Lui non plus n'a pas récolté sa fortune sur les arbres, mais en faisant des «placements judicieux» c'est-à-dire en participant au partage des bénéfices des entreprises les plus rentables. Il possède actuellement des parts importantes de ConocoPhillips, le troisième groupe pétrolier mondial, responsable, comme les autres pétroliers, du pillage des matières premières et donc de la corruption, des dictatures et des guerres qui l'accompagnent. Buffett est également présent au capital de Wal Mart, la première chaîne de magasins au monde, réputée pour pratiquer les salaires les plus bas, les horaires les plus flexibles et ne pas tolérer la présence de militants syndicaux. Il possède des actions Nike, qui a fait des bénéfices en faisant travailler des enfants.... pour lesquels ses aumônes arriveront trop tard, si elles arrivent jamais.

Les 44 milliards de Buffett, les 50 milliards de Gates ne peuvent exister que grâce au système économique qui régit la planète. Mais la somme de misère, de malheurs, de guerres engendrés par ce système économique qui permet à des Buffett et des Gates d'afficher des fortunes pareilles est incommensurable en comparaison du pauvre bien que cette même fortune pourrait faire, même distribuée en totalité sous forme de don charitable.

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