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Allemagne : La fin de la grève à AEG - Nuremberg

En Allemagne, face à l'intransigeance des autorités régionales et municipales qui veulent imposer à leurs salariés un horaire de 40 heures payées 38 h 30, la grève du secteur public est entrée dans sa sixième semaine. En revanche, celle qui a touché l'usine AEG de Nuremberg s'est achevée le 7 mars après plus de cinq semaines de lutte.

C'est dès août dernier que la direction du trust suédois Electrolux, qui a racheté AEG en 1994, a annoncé sa volonté de rentabiliser ses sites européens pour faire encore plus de profit. À l'usine de Nuremberg, en Bavière, qui emploie 1750 travailleurs (ils étaient 6000 il y a trente ans) à la production de machines à laver le linge, la vaisselle et de séchoirs, le syndicat IG Metall a alors proposé des concessions (baisse de salaires et augmentation du temps de travail, représentant des économies de l'ordre de 15 millions d'euros par an). Mais cela n'a pas suffi au patron et, le 12 décembre, Electrolux a annoncé sa volonté de fermer totalement l'usine d'ici fin 2007 et de délocaliser la production en Pologne et en Italie.

La colère a alors explosé, d'autant que les salariés avaient déjà accepté bien des concessions dans le passé récent. À l'issue d'une réunion d'information du Conseil d'entreprise, les travailleurs n'ont pas repris le travail. Toutes les équipes ont suivi et la grève a duré cinq jours. Mais l'IG Metall s'est évertué à arrêter cette grève "spontanée" et à empêcher une occupation de l'usine qui était en discussion parmi les grévistes. Pour "sauver le site", le syndicat a proposé un soi-disant "concept d'avenir": le site resterait ouvert jusqu'en 2010 mais plusieurs centaines de salariés seraient licenciés et les salaires réduits de 16% à partir du 1er juillet 2006. Une fois de plus, cela n'a pas suffi et début janvier la direction a interrompu les négociations.

L'IG Metall a alors fini par appeler les travailleurs à l'action afin d'obtenir un "plan social", en mettant en particulier en avant des indemnités à hauteur de trois mois de salaire par année d'ancienneté. 96,4% des syndiqués se sont prononcés pour la grève, qui a repris le 20 janvier. Cependant les travailleurs étaient en moins bonne position qu'en décembre, ne bénéficiant plus de l'effet de surprise et de l'élan qui avait caractérisé le mouvement des premiers jours. La production a été paralysée jusqu'au 6 mars, et pendant tout ce temps les travailleurs ont bénéficié de la solidarité de la population de la ville et de visites de soutien d'autres travailleurs en lutte.

La direction, qui ne voulait, au départ, accorder que 0,7 mois par année d'ancienneté, a finalement accepté de verser une indemnité de 1,8 mois de salaire par année d'ancienneté et le transfert des salariés dans une "société d'accueil" pour douze mois. De leur côté, les travailleurs âgés de plus de 55 ans auront droit à une préretraite et recevront le paiement d'un supplément sur leurs traitements.

81,07% des syndiqués ont voté pour accepter cet accord, 17% se prononçant contre. Empêcher la fermeture de l'usine était sans doute hors de portée des travailleurs. Comme le souligne le Handelsblatt, le plus important journal économique allemand, "pour la plupart des salariés, ce sera difficile de trouver un travail convenable dans la région". Mais après des années de résignation, de recul sans combat face aux fermetures d'entreprises et aux attaques contre les conditions de travail, cette grève qui a marqué l'opinion ouvrière représente tout de même quelque chose de positif.

Ce n'est d'ailleurs pas la seule lutte dans la situation actuelle. Par exemple la grève des 70 salariés de la société de restauration dans le secteur aérien Gate Gourmet de l'aéroport de Düsseldorf, qui dure depuis le 7 octobre 2005, a déjà dépassé le record de durée d'une grève dans la période d'après-guerre. Celui-ci était détenu par les métallos du Schleswig-Holstein qui avaient fait grève pendant 114 jours pendant l'hiver 1956/1957 contre la volonté du patronat de réduire les paiements en cas de maladie. Les travailleurs de Gate Gourmet se battent contre une offensive tous azimuts: augmentation de l'horaire hebdomadaire de 38,5 à 40 heures; suppression de cinq des trente jours de vacances annuels; réduction de la majoration des heures de nuit, etc.

Toutes ces réactions restent encore limitées, et il s'y ajoute les obstacles mis par les dirigeants syndicaux pour brider la combativité ouvrière. Mais elles représentent un gage d'espoir pour l'avenir.

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