Fusion Suez-GDF : Le patriotisme économique invoqué pour tromper les travailleurs02/03/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/03/une1961.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Fusion Suez-GDF : Le patriotisme économique invoqué pour tromper les travailleurs

Pour empêcher le groupe italien Enel de mettre la main sur le groupe Suez, Dominique de Villepin a annoncé, à la hussarde, la fusion de ce dernier avec Gaz de France, décision motivée selon le Premier ministre par le «patriotisme économique».

Selon le gouvernement, l'État en intervenant pour une fusion Suez-GDF aurait ainsi défendu les «intérêts vitaux du pays» et garanti «l'indépendance énergétique de la France», le groupe GDF-Suez étant appelé à devenir le deuxième géant européen de ce secteur. Les travailleurs français devraient donc se réjouir de l'initiative du gouvernement.

En réalité, le gouvernement a trouvé là une manière à peine déguisée de privatiser GDF au-delà des limites qu'il avait dû garantir, il y a moins de deux ans. La loi du 22 juillet 2004 précisait en effet que la part publique du capital de GDF ne devrait pas descendre sous les 70%. Mais au terme de l'opération, la participation de l'État au capital de GDF devrait baisser en flèche.

En fait, l'État est intervenu également pour protéger Suez, autrement dit les actionnaires de Suez, des appétits du groupe d'électricité italien Enel. De son côté, le ministre des Finances italien, Giulio Tremonti, a fustigé l'initiative française: «La tendance des États européens à construire des barrières protectionnistes doit être stoppée. Nous avons encore du temps. Mais si on ne le fait pas, nous risquons un effet août 1914», a-t-il déclaré.

Le journal italien La Stampa a fait écho à ces propos en dénonçant le «virus» qui roderait autour de l'Europe et dont la «victime la plus récente» serait Enel «dont la tentative d'entrer sur le marché français est restée bloquée (...) Pour le moment l'Europe tient avec la monnaie unique mais l'euro ne peut pas tout. Le risque de démolition de cette merveilleuse construction ne doit pas être sous-évalué.» Ces réactions s'expliquent bien entendu par le fait qu'elles émanent de défenseurs des intérêts... du groupe italien. Dans cette société capitaliste «mondialisée», chaque État défend les capitalistes qui lui sont proches. Car si le capital des grands groupes est rarement national à 100% -les capitaux de Suez sont, pour une part, belges- chaque grand groupe capitaliste a malgré tout une base nationale, un État, avec qui il a des relations privilégiées et qui peut lui venir en aide de toutes les façons possibles.

Le gouvernement français veut donner l'impression qu'il défend les intérêts des consommateurs et des salariés français alors que, comme tous les gouvernements, il défend les intérêts des grands groupes capitalistes, et que ceux-ci ne sont prêts à aucun sacrifice au nom du «patriotisme» dont le Premier ministre nous rebat les oreilles.

Les confédérations syndicales, tout comme le Parti Communiste, dénoncent à juste titre les conséquences néfastes possibles de la fusion, suppressions d'emplois et dégradation des activités de service public de GDF. Mais ils ont tort de reprendre des arguments qui sortent de cette propagande gouvernementale. Ainsi, Olivier Barrault, administrateur CGT de Gaz de France, dénonce le scandale de la fusion en avançant comme argument le fait qu'elle mette «la sécurité des approvisionnements énergétiques de la France entre les mains des actionnaires belges». Dans un communiqué du 26 février, le PCF déclare qu'il « défendra avec conviction les intérêts du pays et de la population qui impliquent, tout à la fois, le maintien de GDF dans la sphère publique et la défense de nos fleurons industriels, dont le groupe Suez, contre les OPA.». Mais «notre fleuron industriel», Suez, est prêt à toutes les opérations, toutes les spéculations, et à vendre les travailleurs avec ses entreprises, pour peu qu'il y trouve avantage. Pourquoi les travailleurs devraient-il faire en quoi que ce soit confiance aux gens qui le dirigent?

Dans le cas de la fusion de Suez-GDF, comme dans celle d'Arcelor menacé par «l'indien» Mittal, ou dans celle de Danone menacé par Pepsi, le «patriotisme économique» invoqué par les Villepin et autres n'est qu'une fable destinée à berner le bon peuple. Les patrons, eux, en parlent toujours mais ne raisonnent qu'en fonction de leurs profits.

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