Le 13 février 1945 : Le bombardement de Dresde09/02/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/02/une1906.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Divers

Le 13 février 1945 : Le bombardement de Dresde

À l'heure où les cérémonies officielles se succèdent afin de commémorer la libération des camps d'extermination nazis, le soixantième anniversaire du bombardement de Dresde rappelle que le régime hitlérien ne fut pas le seul à avoir eu recours à la barbarie et à la terreur. Le camp dit du monde «libre» -celui-là même qui incluait l'URSS de Staline ainsi que les empires coloniaux dont les peuples étaient privés de tout droit- mena, vers la fin de la guerre, une politique de terrorisme systématique à l'égard des populations civiles des futurs vaincus.

Au début de 1945, alors que l'effondrement de l'État nazi était imminent, les alliés voulaient tout à la fois faire une démonstration de force et conjurer le spectre de la révolution ouvrière qui avait failli emporter le monde bourgeois à la fin de la Première Guerre mondiale. Ils entreprirent donc de bombarder une série de villes allemandes, dans des actions sans intérêt militaire, mais qui devaient satisfaire des buts politiques: disperser la population civile, annihiler toutes ses possibilités d'organisation autonome.

Ces bombardements terroristes ne pouvaient qu'amener la population allemande à serrer les rangs derrière le régime hitlérien, faisant le jeu des nazis quand ils affirmaient que c'est la survie même du peuple allemand qui était en cause. Mais de cela les gouvernements alliés n'avaient cure: ils ne voulaient surtout pas que ce peuple se dresse contre ses propres dirigeants.

Le bombardement de Dresde, dans la partie orientale de l'Allemagne, demeure pour l'Europe le pendant d'Hiroshima et de Nagasaki au Japon: une horreur méthodiquement préparée, organisée et exécutée par ceux qui se présentent encore aujourd'hui comme les «libérateurs». Dès 1942, l'aviation anglaise avait utilisé l'arme des bombes incendiaires sur les grandes villes allemandes. Cologne, puis Hambourg et Berlin, notamment, avaient ainsi été livrées aux flammes. Mais à Dresde, les 13 et 14 février 1945, les destructions atteignirent une ampleur inconnue jusque-là.

La population de Dresde, qui était passée de 600000 habitants à près d'un million suite à l'afflux des réfugiés civils, fut la cible de trois vagues de bombardement successives. Celles-ci frappèrent une ville pratiquement sans défenses militaires: sur plus de 1100 bombardiers engagés dans l'attaque, seuls huit furent abattus.

Lors de la première vague, 460000 bombes à fragmentation furent larguées, dont l'objectif était d'éventrer les bâtiments, en faisant voler en éclats portes et fenêtres. Six heures plus tard, la deuxième vague déversa en vingt minutes plus de 180000 bombes incendiaires au phosphore. Cette deuxième vague avait été programmée pour frapper du même coup les secours qui avaient pu se mettre en place. Parallèlement aux bombardiers, les chasseurs alliés mitraillèrent les colonnes de réfugiés qui fuyaient la ville et les secours qui accouraient des localités voisines.

La troisième vague, elle, frappa une cité qui avait déjà virtuellement cessé d'exister et elle s'abattit sur les quartiers d'habitation des banlieues.

Au total, en l'espace de quinze heures, la moitié des habitations de la ville et le quart de ses zones industrielles furent rayées de la carte.

Les bombes incendiaires déchaînèrent une terrifiante tempête de feu, attisée par les destructions entraînées par la première vague. Au coeur de l'incendie, d'une violence inouïe, la température fut telle que dans les rues, éclairées comme en plein jour, le brasier provoqua des vents de la force d'un ouragan qui, s'engouffrant dans les habitations, réduisirent littéralement en cendres des dizaines de milliers d'habitants. D'autres, pris au piège dans les caves et les souterrains, périrent asphyxiés. Dresde brûla pendant sept jours; la fumée monta à plus de 4500 m d'altitude et la lueur fut visible sur 160 kilomètres.

Soixante ans après, le bilan des victimes n'a jamais pu être établi avec certitude, les estimations allant de 35000 pour les plus modestes à 200000 pour les plus hautes.

Churchill l'avoua sans ambages: le bombardement avait été effectué «dans le but de semer la terreur». Et il lui fut si difficile de justifier ce carnage par un prétexte militaire qu'il choisit ultérieurement de désavouer à demi-mot le général Arthur Harris, chef de l'armée de l'air de l'époque, et rendu seul responsable de l'opération.

Le bombardement de Dresde témoigne des atrocités dont est capable la bourgeoisie pour faire régner son ordre social, y compris quand elle se dit «démocratique» et «libératrice». Sans doute, les impérialistes américains ou anglais ne se sont-ils jamais lancés dans la folie d'un génocide semblable à celui que les nazis ont pu commettre vis-à-vis des Juifs. Mais lorsque leurs intérêts politiques et sociaux étaient en jeu, ils ont eux aussi su faire preuve d'une brutalité sans scrupules pour les préserver. Le terrible massacre de populations civiles que fut le bombardement de Dresde est là pour le rappeler.

Partager