Leur société

Écoutes téléphoniques : Entre-temps, elles sont devenues légales

Vingt ans après les faits, dix ans après les révélations des écoutes clandestines opérées par l'entourage de Mitterrand lorsque celui-ci était président de République, un procès vient de s'ouvrir, où sont réunis quelques protagonistes proches de Mitterrand lors des années 1983 à 1986, avec: l'ex-directeur de cabinet du Premier ministre Mauroy, Michel Delebarre, qui a occupé depuis de responsabilités de ministre à de nombreuses reprises; Louis Schweitzer, son homologue auprès de Fabius, et aujourd'hui PDG de Renault; un général à la retraire; et les ex-gendarmes de la cellule antiterroriste.

Cette désormais fameuse "cellule antiterroriste" avait été créée par Mitterrand en 1982, quelques mois après un attentat meurtrier rue des Rosiers à Paris, avec les super-gendarmes du GIGN, Barril et Prouteau. Elle était censée lutter énergiquement contre les terroristes.

En fait, cette cellule antiterroriste s'est d'abord fait connaître par un coup particulièrement tordu: elle avait arrêté trois Irlandais, les accusant des pires des crimes... après avoir fabriqué de fausses preuves.

Puis cette cellule s'est spécialisée dans les écoutes téléphoniques, plus particulièrement celles qui étaient censées assurer la tranquillité du président Mitterrand. Ainsi, ces super-gendarmes ont espionné pendant trois ans ceux qui s'intéressaient de trop près aux affaires sensibles: en particulier aux Irlandais de Vincennes, à l'attentat des services secrets contre le bateau de Greenpeace, ou encore à la fille cachée de Mitterrand.

Plus de 150 personnes auraient été ainsi écoutées par cette cellule de l'Elysée, leurs communications transcrites et transmises à Mitterrand: elles ne concernaient pas des terroristes, mais des journalistes trop curieux ou leurs conjoints, des avocats au parfum, et même des personnalités ou des anonymes dont personne ne sait pourquoi leurs communications étaient ainsi surveillées.

Ce n'est qu'en 1993 qu'une information judiciaire fut ouverte pour "atteinte à la vie privée, attentat à la liberté et à la Constitution et forfaiture".

Et tout fut mis en oeuvre pour retarder les poursuites judiciaires. Le "secret défense" fut tout de suite invoqué par les différents Premiers ministres. Bérégovoy puis Juppé déclarèrent tous les éléments de cette affaire couverts par le "secret-défense". Jospin, leur successeur, les imita dans un premier temps, puis se décida à lever ce "secret", mais seulement en juin 1998. Entre-temps, en décembre 1994, un capitaine de gendarmerie, chargé de la transmission des écoutes, fut retrouvé suicidé, pendu à son domicile, quelque temps après avoir été inculpé.

Aujourd'hui, tout cela semble dérisoire, d'autant que la seule accusation qui subsiste est celle "d'atteinte à la vie privée", et d'autant surtout que les écoutes, jugées naguère illégales, ont été... légalisées par Michel Rocard en 1991, qui a autorisé "les interceptions téléphoniques à titre exceptionnel".

D'après le gouvernement, l'an dernier, en 2003, le total des écoutes téléphoniques se monterait à 5000. Le chiffre est vrai, juré, croix de bois, croix de fer. Mais qui le croit encore ?

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