Affaire Ben Barka : Secret défense... de savoir18/11/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/11/une1894.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Affaire Ben Barka : Secret défense... de savoir

La ministre des Armées, Alliot-Marie, vient d'accepter de lever le "secret défense" sur les derniers documents de l'affaire Ben Barka, opposant politique marocain enlevé et assassiné en 1965 à Paris. Il aura fallu près de quarante ans pour que le gouvernement accepte de laisser libre accès à ces pièces classées, sous prétexte qu'elles risquaient de révéler des faits de nature à mettre en danger ce qu'ils appellent la sûreté de l'État, comprenez: les coups tordus de l'appareil d'État.

Ces documents ne feront sans doute que confirmer ce que l'on sait déjà sur la mort de Ben Barka, car depuis 1965 beaucoup de gens ont parlé et on sait comment, enlevé par des truands français commandités par les services secrets marocains sous l'autorité directe du général Oufkir et du roi Hassan II, il a été séquestré puis torturé à mort. Les services secrets français n'ignoraient rien de l'affaire, voire ont facilité la tâche des policiers marocains, et c'est cela que le "secret défense" recouvrait. Comme il a servi à couvrir les exactions de la police parisienne, dirigée par Papon, en 1961, au moment de la répression de la manifestation des Algériens de Paris. Et les archivistes qui ont aidé le journaliste Einaudi à lever un coin du voile ont été sanctionnées et mises dans l'incapacité d'exercer leur métier.

Alliot-Marie se paye aujourd'hui le luxe de critiquer ses prédécesseurs, dont le ministre socialiste Alain Richard qui, après avoir levé le "secret défense" en 2000 sur une première série de pièces, avait refusé en 2002 de livrer le reste du dossier: "On met le tampon "secret défense" sur trop de choses probablement", déclare-t-elle. Belle hypocrisie, car en fait le "secret défense" est appliqué par tous les gouvernements, de droite comme de gauche, et ça ne coûte rien de le lever quand, près de quarante ans après les faits, il n'y a plus de secret et aussi parfois plus de protagonistes... Aujourd'hui, Alliot-Marie se réclame de la "transparence" et elle ira peut-être demain jusqu'à reconnaître les responsabilités du gouvernement français et à présenter ses excuses à la famille de Ben Barka. Elle agirait un peu comme l'Église catholique qui, plusieurs siècles plus tard, présente des débuts d'excuses à tous ceux qu'elle a persécutés, tout en continuant à dire qu'à l'époque ses erreurs étaient compréhensibles. Mais pour elle, comme pour tous les gouvernements, le "secret défense" reste toujours un moyen d'esquiver la responsabilité des irrégularités commises, voire des crimes de l'État.

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